Ultra Rêve : fontaine de jouvence
« Ultra », c’est ce qui dépasse la mesure, la norme. On est prévenus. Ultra Rêve voit quatre réalisateurs plonger tête baissée dans un rêve éveillé avec trois courts métrages osés : After school knife fight de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, Les îles de Yann Gonzalez et Ultra Pulpe de Bertrand Mandico. Une ode pop et érotique à la jeunesse.
Ultra Rêve, audacieux, présente la sexualité sans détour, comme une notion qui n’a ni genre ni âge. Une sexualité diffuse qui ne met jamais de côté l’amour et la tendresse. Le véritable fil qui relie ces trois ovnis est la représentation de la jeunesse, métaphore filée qui se décline sous plusieurs formes. Chez Mandico, Ulli, interprétée par Vimala Pons, se régénère chaque année à l’occasion d’une « régression » qui lui permet de garder son apparence de jeune fille. Elle a 10 ans, elle a une éternité… Le film confronte également dans un trip tribal la réalisatrice Joy, vieillissante, et sa muse Apocalypse, en pleine rupture. Chez Yann Gonzalez, deux amoureux évoquent leur futur, Simon demande à Nassim de lui faire sauvagement l’amour jusqu’à son flétrissement. Dans le court métrage de Poggi et Vinel, enfin, c’est la peur de grandir qui habite les personnages aux prises avec leurs amours adolescentes. Rocca, amoureux de Laetitia, refuse de la laisser partir faire ses études à Paris.
« Qui n’embrasse pas la mort ne peut prétendre être poète », entend-on dans Ultra Pulpe. Il y a quelque chose de surréaliste dans ces trois courts. Hommage à Cocteau, hommage à Ernst, le court métrage de Mandico questionne la métamorphose. Celle, frontale, des personnages, qui muent littéralement. Mais aussi celle, sous-jacente, du passage à l’âge adulte, de la confusion des sentiments. Le monstrueux flirte avec la pureté, dans une dynamique de fascination-répulsion. Les protagonistes sont masqués, au propre comme au figuré, car Ultra Pulpe est avant tout un jeu de rôles, qui dévoile le dispositif cinématographique avec humour et une touche d’auto-référence. À l’île mystérieuse des Garçons Sauvages se succède un paysage post-apocalyptique et cosmique dans le court de Mandico. Au tueur masqué d’Un couteau dans le coeur se substitue un étrange monstre au visage pourvu d’une fente béante fort évocatrice. Ultra Pulpe clame son amour pour le cinéma et convoque la « science-fiction, la science-frisson, la science-fusion ». La caméra apparaît comme le prolongement de l’organe sexuel, filmer ou être filmé relève de l’extase, avec un quelque chose de la mise en scène organique de la machine de Cronenberg.
Le passage à l’âge adulte, l’éveil à la sexualité et la peur des responsabilités émaillent ces trois œuvres délurées qui ne font qu’une. Si Les Îles et Ultra Pulpe dépeignent un univers onirique, hyper-sexualisé, After school knife fight, moins intense, plus progressif, reste un peu à l’écart. Tout en retenue, le court de Caroline Poggi et Jonathan Vinel est baigné d’un filtre pâle, presque froid. Les personnages sont sur le fil, mais cette volonté de raconter le bégaiement de l’adolescence à la manière d’un teen movie est un peu maladroit, un peu trop naïf. Ces trois courts, finalement, font corps. La mise en scène place ses protagonistes dans un décor factice : le plateau de tournage, les planches de théâtre, ou la clairière, comme une scène, ou même un ring. Trois fables qui grattent sous le paraître pour laisser se dévoiler des personnages livrés à leurs émois. « Life’s a stage… »
Ultra Rêve, programme de courts-métrages réalisés par Betrand Mandico, Yann Gonzalez, Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Durée : 1h22. Distributeur : UFO Distribution. Sortie le 15 août 2018.
Photo en Une : Ultra Pulpe © Ecce Films