Réouverture des cinémas : La sélection des Écrans Terribles
Ô Joie ! Après six longs mois de fermeture, les cinémas ont pu à nouveau ouvrir leurs portes le 19 Mai. Comme beaucoup d’entre vous, la rédaction des Écrans Terribles ne s’est pas faite prier pour retrouver le chemin des salles obscures. Mais entre ressorties et nouveautés, il est quelque peu difficile de s’y retrouver en cette semaine de reprise. Heureusement pour vous, nos rédacteurs vous ont concocté une petite sélection parmi le large panel de films en salles. Bon(s) film(s) !
Mandibules de Quentin Dupieux
Jean-Gab (David Marsais) et Manu (Grégoire Ludig), deux acolytes simples d’esprit, tombent sur une mouche géante coincée dans le coffre d’une voiture et se mettent en tête de la dresser pour gagner de l’argent en l’exploitant. De désastres en absurdités, notre duo de bras cassés reste persuadé d’avoir trouvé en cette créature la clef de la richesse. Si on doute fort de la bonne fortune du tandem campé par le Palmashow (tous deux très à l’aise dans leurs rôles), Quentin Dupieux réalise quant à lui un film certes très “parisien”, mais aussi une de ses comédies les plus réussies. Mention spéciale à la prestation inattendue d’Adèle Exarchopoulos, personnage intense et décalé, qui déclenche rires ou malaises à chaque apparition. En mixant tous les codes du buddy-movie à son univers farfelu, le réalisateur français continue de nous prendre de court. De son côté barré loin de l’humain résulte un film d’à peine une heure trente au rythme parfaitement maîtrisé. Un « film gag » percutant dont l’efficacité fait mouche !
Camille GRINER
Adieu Les Cons d’Albert Dupontel
Il est toujours difficile de rester objective face au travail d’un réalisateur et scénariste que l’on admire. Ici encore comme souvent chez Dupontel, les héros sont deux personnages en souffrance. Il y a d’un côté, Suze, gravement malade, qui recherche l’enfant qu’elle a abandonné quand elle était adolescente. De l’autre, JB, décidé à se suicider après avoir été rétrogradé car jugé trop vieux et périmé. Leur rencontre se fait autour de la tentative de suicide ratée de JB qui le transforme en criminel. Traqués par la police, les deux héros se lancent alors dans une quête haletante aux multiples rebondissements. Tout le talent de Dupontel réside dans le rythme effréné de ses films : le soufflé ne retombe jamais. Époustouflant et riche en détails, le nouvel opus de Dupontel est une pépite, à découvrir absolument sur grand écran, tant qu’on y aura droit !
Phéline Leloir-Duault
Falling de Viggo Mortensen
Pour son premier essai à la réalisation, le (très) polyvalent Viggo Mortensen s’intéresse aux difficultés de prendre soin d’un géniteur odieux. Falling relate une chute, celle de Willis (magistralement campé par Lance Henriksen), père et grand-père atteint de démence sénile qui passe son temps à balancer des insanités à sa famille. Le vieux paysan colérique et réactionnaire est aux antipodes de ses enfants et petits-enfants californiens ultra woke, et leur fait bien comprendre. Willis ouvre la bouche pour deux raisons : blesser ou insulter, et l’on a parfois envie de secouer ses rejetons à qui on trouve, par moments, presque trop de compassion. Le choc entre ce patriarche aigri et son fils gay et progressiste est présenté sans fioritures, de façon subtile et intimiste. Et c’est sans doute là la grande réussite du film qui, malgré un montage en flashbacks parfois en roue libre, convainc par sa sensibilité lumineuse et les performances poignantes de ses comédiens.
Camille GRINER
Une Vie Secrète de Jon Garaño, Aitor Arregi et José Mari Goenaga
Dans un petit village espagnol durant la guerre civile, Higinio est recherché activement par la Guardia civil. Plutôt que de tenter un exil risqué, il décide de vivre reclus derrière un mur de sa maison, avec la complicité de sa femme, Rosa. La puissance de ce drame poignant tient à cet acteur et cette actrice qui aimantent la caméra à chaque image. On ne s’éloigne jamais de ces visages vibrants, exprimant les difficultés d’une vie passée faite de mensonges et d’abnégation. Réalisé à six mains, Une Vie Secrète est un film dense au rythme impeccablement maîtrisé. Plutôt que de forcer le trait sur le pathos, la mise en scène sobre et digne nous tient en haleine d’un bout à l’autre.
Matthieu Touvet
Le Dernier Voyage de Romain Quirot
L’envie vous dit de soutenir l’économie locale? Le dernier Voyage, film de science-fiction audacieux de Quentin Moirot, tente sa chance dans le paysage chaotique du cinéma de genre français. On se laisse volontiers porter par le sous-jeu de Paul W.R (Hugo Becker) fuyant son frère Eliot W.R. et son père (Jean Reno). Il aurait pu être meilleur si la jeune Elma (Lya Ouassadit-Lessert), sidekick énergique, ne frôlait pas le trope pédophile gênant et convenu Mathilda/Léon du film de Luc Besson. Visuellement, ce road-movie Spielbergien sous un soleil rouge vif en guise d’épée de Damoclès, pousse sa direction artistique dans une France rétro futuriste de l’Amérique des années 50. Un choix curieux mais plutôt inédit qui ne fonctionne qu’à moitié. Finalement, on attend sagement la fin du monde de cette fiction sympathique et bon enfant en regrettant de ne pas assister à l’arlésienne du renouveau du cinéma de genre français. Peut-être le prochain voyage ?
Adrien Van Noort
Drunk de Thomas Vintenberg
Pour ceux qui n’auraient pas encore découvert le dernier film de Thomas Vinterberg, Drunk nous conte l’histoire de quatre copains profs du secondaire qui décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon lequel l’Homme aurait, dès la naissance, un déficit d’alcool dans le sang à combler pour être heureux. Avec une rigueur scientifique, les compères vont tenter de valider ce défi en espérant une vie meilleure. La perte de contrôle n’est pas loin, vous l’aurez deviné ! Le film explore avec justesse les tréfonds de l’âme humaine, ses failles et aspérités qui s’usent face au quotidien. Caméra à l’épaule, Thomas Vinterberg nous trimballe aux côtés de cette bande d’enseignants souhaitant en découdre avec l’ennui. Si la scène finale ne nous a pas autant transportée que beaucoup, Drunk n’en reste pas moins un film poignant sur l’amour, et dans la période actuelle, c’est un message qui fait grand bien !
Camille GRINER
The Wicker Man de Robin Hardy
Une île écossaise, une mystérieuse disparition, des locaux aux mœurs discutables… Le sergent Howie est loin d’imaginer ce qu’il va découvrir à Summerisle lors de son enquête. La ressortie de The Wicker Man met en lumière les origines du « folk horror », sous-genre qui connaît un second souffle grâce aux films The Witch (Robert Eggers, 2015) et Midsommar (Ari Aster, 2019 ), ou encore à la mini-série de Dennis Kelly et Felix Barrett The Third Day (2020). Inclassable, le long métrage de Robin Hardy mêle avec habileté documentaire, conte érotique, comédie musicale et pure horreur. Un cocktail de genres qui fait la force du film, lui permettant de questionner les croyances et leurs sombres dérives, sans juger ses personnages. Ces derniers, grimés et maquillés, se déploient en une inquiétante galerie de protagonistes tournés vers le Dieu d’Osier. Un voyage déstabilisant dont on ne sort pas indemne, et qui se déguste sur grand écran, si possible !
Lucie Dachary
L’audacieux ADN de Maïwenn bénéficie également d’une ressortie en salles cette semaine. (Re)Découvrez donc pour l’occasion la critique écrite par Fairouz M’Silti juste ici.
Crédits Photo : Arizona Dream © D. R.