PSSFF #2 : Rider pour exister
Programme chargé en ce troisième jour au Paris Surf & Skateboard Film Festival, où notre envoyée spéciale Camille Griner a découvert cinq courts métrages et deux longs en compétition.
Ma journée commence avec la suite des courts, et c’est le joli Raised by Sand & Salty de Daniel Simón et David Corrochano qui ouvre le bal. Le film dresse le portrait touchant et le quotidien de la skateuse Wafa Heboul, qui vit dans le village de pêcheurs de Taghazout au Maroc. Avec ses très jolies prises de vue et le discours engagé de sa protagoniste, Raised by Sand & Salty met pertinemment en lumière l’influence grandissante du skateboard et du surf dans la culture arabe ainsi que l’évolution des droits et des libertés des femmes dans le pays. La suite s’annonce intense et instructive avec Waves Apart de Josh Greene, un surfeur juif installé avec sa famille à San Clemente en Californie, harcelé dans sa jeunesse par les élèves de son école qui comparaient son physique à celui d’un survivant de la Shoah. Sous forme d’enquête captivante, Josh revient sur l’antisémitisme dans le milieu du surf, des croix gammées gravées sur les premières planches de surf produites commercialement au Bund germano-américain (organisation américaine nazie active dans les années 1930). La légèreté n’est également pas au rendez-vous avec You’re Not Alone d’Antonin Claude. Rondement mené visuellement, le court métrage suit le skateur Clem, dude procrastinateur dépressif, à travers une véritable balade audiovisuelle mélancolique. La solitude et le besoin de changement, habilement traités par le biais de la voix off féminine, émeuvent et parlent à chacun d’entre nous. Si tant est que vous ayez un cœur, of course. Liberté et bol d’air frais nous rattrapent avec le beau Yama de Lucy Small et Maddie Meddings, dans lequel Lucy, surfeuse et activiste australienne, part au Ghana à la rencontre des premières surfeuses et skateuses du pays. Douceur, calme et neige ponctuent le dernier court métrage du programme avec The Fingerboarder de Fabian Korbinian Wolf. Le film suit le discret Emanuel Oberle, reclus dans un petit village de montagne des Alpes suisses où il fabrique jour après jour à la main des fingerboards (des mini skateboards), qu’il envoie ensuite dans le monde entier. Une parenthèse touchante sur un passionné au visage enfantin.
Difficile de ne pas être émue par Karam, skateur et surfeur à dreads aussi bourru que sensible et protagoniste principal du très chouette La Terre nous est étroite de Raffaello D’errico. Il aimerait pouvoir surfer, mais la houle se fait désirer, il souhaiterait quitter le Liban, son pays, mais ses demandes de visa lui sont toutes refusées. Alors il skate, avec l’espoir que quelque chose change le cours de sa vie. Au gré des pérégrinations de ce personnage attachant, c’est aussi tout un portrait du pays, en proie à une crise politique, sanitaire et économique, qui est dépeint avec âpreté. Oeuvrant à la reconstruction du Liban et à l’expansion du skateboard, Karam reste longtemps en mémoire après visionnage, tant son aura et son authenticité irradient sur l’intégralité du documentaire. Une autre personnalité hors normes se démarque en cette avant-dernière soirée de festival : l’inarrêtable Nassim Lachhab, premier skateur professionnel marocain et africain au monde, à l’honneur dans le documentaire Better, réalisé par son ami d’enfance Kamal Ourahou. Énergique et poignant, le film retrace l’ascension de Nassim au devant de la scène skate internationale, comme son parcours d’émigré, se voyant refuser régulièrement des visas. Better brasse plus largement les enjeux actuels de la scène marocaine, où les skateurs se retrouvent souvent bloqués sur le territoire et ne peuvent donc pas faire carrière comme ils l’entendent. Un final de soirée en apothéose, pleine de good vibes et d’engagement, qui ne fait qu’augmenter le niveau, particulièrement élevé cette année, de la compétition de longs métrages.
Crédits Photo : La Terre nous est étroite © Wifilm, Label Vidéo, Les Films du Périscope, Télé Bocal.
One Comment
Kawataké Josie
BRAVO Camille pour tes textes limpides ! Le lecteur y surfe bien !