PSSFF #2 : Déferlante d’émotions
Programme chargé en cet avant-dernier jour au Paris Surf & Skateboard Film Festival. Camille Griner revient sur les quatre courts métrages et deux longs en compétition qu’elle a visionnés samedi. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les émotions, et même les premières larmes, étaient au rendez-vous.
Je croyais avoir eu ma dose de serrements de cœur hier, mais c’était sans compter sur cette journée qui a été une véritable déferlante d’émotions. La sélection de cette sixième édition est de haut vol et on remercie l’équipe du festival de nous permettre de découvrir tant de projets inédits et bouleversants. A commencer par Joe Buffalo, une pépite made in Canada qui démarre le premier programme de courts métrages en compétition. Réalisé par Amar Chebib, le film dresse le portrait poignant de la légende du skateboard du même nom, acteur et skateur qui a survécu au système des pensionnats autochtones au Nord du Canada. Le court revient sur son enfance traumatisante, ses problèmes d’addiction, avant qu’il ne parvienne après des années à vaincre ses démons grâce au skateboard. Mon gosier s’est serré fort face à l’histoire douloureuse de cet homme, qui irradie l’écran par sa présence et sa paix intérieure durement acquise. Une très belle réalisation qui mériterait un format long. Retour un peu brutal à la réalité dans la suite du programme avec Collectors Vol. 1 d’Antony Gentile, qui s’intéresse à trois collectionneurs de planches de surf. Du cool, du fun et de la planche vintage, mais je dois avouer que je n’étais pas encore redescendue de Joe Buffalo, et qu’il ne m’a donc pas tapé dans la rétine. La projection continue avec Little Florida de Tim Bouvette. Ce buddy movie canadien met en vedette Sam et Max, deux ados prêts à tout pour acheter la caméra de leurs rêves qui leur permettra de filmer leurs tricks de qualité. Si l’atmosphère visuelle et les deux comédiens font le job, je reste cependant sur ma faim face aux dernières minutes du film, qui paraissent bien abruptes et expédiées. J’ai ensuite fait une plongée mystique dans les eaux suédoises en compagnie de Freddie Meadows, l’un des meilleurs riders locaux atteint d’une maladie auto-immune (dont il s’est relevé grâce à la méditation et l’Océan), dans Live To Sea. Un court métrage décoiffant qui retrace la quête incessante de cet enfant du pays pour la vague providentielle qui frappera un beau jour les côtes sublimes de Suède. Dépaysant et poétique, Live To Sea m’a fait voyager très loin.
La fin de journée va mettre ma sensibilité à rude épreuve. Et mon chamboulement interne commence dès le visionnage de The Scars of Ali Boulala réalisé par Max Eriksson. A coups d’images d’archives et d’interviews, le réalisateur s’intéresse à l’intrépide et excentrique Ali Boulala, membre de la team Flip et skateur renommé des années 1990-2000. Un homme qui a marqué sa génération par son style et sa personnalité hors des clous. Le documentaire revient sur son ascension dans le milieu du skateboard jusqu’à son tragique accident de moto. Accident qui l’a plongé dans le coma quatre mois et dans lequel son ami Shane Cross a perdu la vie. Le film se focalise sur la façon dont il apprend à vivre avec sa culpabilité et ses blessures intérieures. Aussi fragile que rugueux, The Scars of Ali Boulala marque par son authenticité et son côté immersif dû aux images prises sur le vif tout au long de la vie de son protagoniste principal, qui grandit, se brûle les ailes, chute et fait un difficile retour en surface sous nos yeux.
Quant au documentaire Bangla Surf Girls d’Elizabeth D. Costa, qui clôt cette troisième journée, j’étais encore moins prête émotionnellement. Le film relate les aléas de Shobe, Aisha et Suma, trois adolescentes surfeuses qui habitent à Cox’s Bazar, une ville située sur la côte Sud-Ouest du Bangladesh. La pratique du surf est le seul moyen de quitter, le temps de quelques heures, leur quotidien qui ne leur convient pas. Entre faux passeport pour un mariage arrangé, les coups de certains parents lorsqu’elles rentrent trop tard, les obligations financières pour subvenir aux besoins de leurs familles, les trois jeunes filles n’ont qu’une idée en tête : vivre du surf et quitter l’enfer qu’elles vivent chaque jour. Et elles peuvent compter sur leur coach, qui n’a de cesse de leur rappeler de croire en leurs rêves lorsque l’une d’elles baisse les bras. Intimiste et bouleversant, Bangla Surf Girls nous plonge au plus prêt de ces jeunes femmes fortes et passionnées face aux conventions sociales et politiques qu’on aimerait d’un temps révolu. J’ai versé des larmes à l’unisson de ces ado’ en quête de liberté, et en suis ressortie aussi révoltée qu’elles. Un film brillant qui, je l’espère, sera visible par le plus grand nombre rapidement.
Crédits Photo : Joe Buffalo © D. R.