PSSFF #1 : Quêtes et identité
Pour la troisième année consécutive, notre rédactrice Camille Griner est retournée à l’Entrepôt pour la nouvelle édition du Paris Surf & Skateboard Film Festival. Elle revient sur ses deux premiers jours de ride visuelle sur béton et en mer, qui ont vu s’affronter un trio de films inédits en compétition.
Jour 1 : Ouverture et crise d’ado’
19h00. Les spectateurs sont déjà là en nombre. Après un petit embouteillage à l’entrée (merci le pass sanitaire), me voilà en possession du très convoité ticket pour la première européenne sold out de North Hollywood réalisé par Mikey Alfred, dont c’est le premier long après avoir été, entre autres, le coproducteur de 90’s. Comme il me reste un peu de temps avant le début des festivités, je fais un tour des expositions photos et jette un œil aux deux espaces librairie. Comme les éditions précédentes, l’ambiance est au beau fixe, la foule démasquée est heureuse d’être sur place et de se retrouver autour d’une bière ou d’un cocktail qui hume « trop fort la menthe » (dixit une de mes voisines de table). Un mojito quoi. La cérémonie démarre lorsque les organisateurs du festival montent sur scène en compagnie du jury. Éclectique, il est composé cette année de l’auteur et photographe de renom Glen E. Friedman, de la productrice Priscilla Bertin, de la réalisatrice Marion Desquenne, du journaliste Raphaël Krafft et de la réalisatrice américaine Myriah Rose Marquez (lauréate du Prix du Meilleur Court Métrage Skateboard l’an passé). Après un petit mot de tous, sous le brouhaha d’une foule quelque peu indisciplinée et impatiente, nous nous dirigeons à la hâte vers la salle où l’équipe du film projeté vient nous faire un coucou avant de nous retrouver plongés dans le noir.
North Hollywood relate les péripéties de Michael (Ryder McLaughlin), un adolescent boutonneux en dernière année au lycée qui se demande bien ce qu’il va pouvoir faire l’an prochain. Il ambitionne d’être skateur professionnel coûte que coûte, quitte à renier ses vieux copains au détriment des skateurs professionnels qui écument le park. Mais c’était sans compter sur son père maniaque (excellent Vince Vaughn), qui ne supporte ni la saleté, ni le fait que son fils glande au skatepark au lieu de faire des lettres de motivation pour l’université. Teen-movie à l’esthétique léchée, North Hollywood dépeint avec justesse le passage à l’âge adulte, avec ses rêves et ses désillusions. Une période compliquée comme chacun sait, et illustrée dans le film par une poignée de séquences pleines de délicatesse et d’humour. Comme par exemple lorsqu’une jeune diplômée devenue médecin demande à Michael s’ils peuvent discuter « d’adulte à adulte ». Question à laquelle il répond par l’affirmative avant de clore la conversation pour demander une cacahuète. Quête d’identité, angoisse face à l’avenir, ambition surdimensionnée, amitié, premier amour… North Hollywood fait renaître notre état d’esprit des années lycée : on se sent adulte et prêts à affronter nos rêves et le monde avec nos yeux d’enfant, sans avoir pour autant envie de se retrouver face aux responsabilités, ni à ce qu’est véritablement la vie en dehors du cocon familial. Un long métrage touchant, qui parlera à tous les petits oisillons rebelles qui n’ont pas encore quitté le nid. Cette première soirée s’est terminée par un DJ set et autres petites ondulations au rythme des morceaux de Cinquième Terrasse, avant un retour au bercail.
Jour 2 : Envers et contre tout
Les températures ont chuté en ce vendredi automnal, mais on peut compter sur le Paris Surf & Skateboard Film Festival pour réchauffer nos cœurs. Au programme de cette deuxième soirée : deux longs métrages documentaires en compétition officielle, mettant tous deux en lumière d’irréductibles skateurs et surfeurs prêts à en découdre envers et contre tout. Le premier, baptisé sobrement Skate Or Die, nous emmène à Little Village, un quartier pauvre de Chicago. Le réalisateur Ryan Ferguson a tourné ce projet sur quatre ans, afin d’y capturer le plus justement possible le quotidien des jeunes qui pratiquent le skate pour échapper aux gangs et aux violences dans ce quartier du Sud-Ouest. Il s’intéresse plus particulièrement à Leonardo Castillo, un skateur à la tignasse ébène et à la lèvre inférieure percée, qui voit sa vie chamboulée après avoir été victime d’une balle perdue sous le porche de sa mère. Skate Or Die filme la rééducation compliquée du jeune homme, sa passion infaillible pour le skateboard alors que les médecins lui annoncent qu’il ne pourra sans doute plus rouler, sa campagne réussie pour le financement d’un coin de paradis pour skateurs dans le parc Piotrowski et le lancement de son programme de skate à la Little Village Lawndale High School. Malgré quelques longueurs, Skate Or Die reste une histoire émouvante et pleine d’espoir, portée par un protagoniste captivant dont la passion force le respect.
La compétition continue avec Havana Libre de Corey McLean. Ce documentaire poignant et engagé nous plonge dans le combat d’un groupe de surfeurs cubains qui s’oppose à leur gouvernement, après plusieurs années à surfer illégalement, afin de pouvoir pratiquer leur passion. Le surf n’est en effet pas considéré comme un sport à Cuba, il est donc impossible de participer à des compétitions, ni de rider tranquillement sans être arrêté par la police. Témoin de leur combat contre l’oppression politique, Havana Libre, et sa mise en scène contemplative aux couleurs pâles, éclaire sur une situation dont j’ignorais totalement l’existence et questionne habillement les notions de frontières et d’idéologies dépassées qui mériteraient un bon (gros) coup de wax. Un film qui prend aux tripes et signe mon premier coup de cœur de cette sixième édition.
Crédits Photo : North Hollywood © D. R.