Marie Stuart, Reine d'Ecosse by Les Ecrans Terribles
Films

Marie Stuart, Reine d’Écosse : victoire par KO !

Au XVIe siècle, dans un royaume pas encore très uni, deux reines affrontent manipulations et complots pour conserver leur trône légitime (et lorgner un peu sur celui de l’autre). Si son intrigue se déroule plus de quatre cent ans avant notre ère, Marie Stuart, Reine d’Ecosse frappe par son discours terriblement contemporain autant qu’il fascine par son acuité historique.

Marie Stuart, Reine d'Ecosse by Les Ecrans TerriblesSur l’affiche, Marie et Elisabeth se font dos. Les visages sont durs, fermés, l’animosité est palpable. Une reine à gauche, une reine à droite. De dos, il sera d’ailleurs beaucoup question. Les coups de poignards (au figuré, bien sûr) vont être légion. La confrontation annoncée laisse entendre une lutte acharnée entre les deux couronnées. Il ne manque que le ring pour faire de cette affiche un beau poster de catch ! Mais le film déjoue habilement cette attente en faisant évoluer Marie et Elisabeth chacune de son côté. Les coups qu’elles se prendront dans la gueule ne viendront pas de leur adversaire, mais bel et bien de leur propre équipe. Comme si leurs entraîneurs leur balançaient des chaises de derrière les cordes du ring.

L’affiche est néanmoins un peu trompeuse. S’il est bien question de lutte pour le pouvoir, Marie Stuart a le monopole de l’écran (comme elle a celui du titre). Elisabeth, elle, se contente de quelques séquences, par ailleurs assez courtes, mais non moins importantes. Pourtant, elle hante toutes les scènes, comme un fantôme dans la cour de sa rivale. Le film s’ouvre alors que Marie Stuart retourne sur ses terres écossaises. Mariée au Dauphin de France à 16 ans, la souveraine a porté très furtivement la couronne de l’Hexagone durant le règne-éclair de son mari (un an, qui dit mieux ?). Trop jeune pour être la veuve d’un roi et faire le deuil du pouvoir qui va avec, Marie Stuart retrouve donc le chemin de la maison. En son absence, son demi-frère a assuré la régence en Ecosse, et le catholicisme a laissé la place au protestantisme en tant que religion officielle du pays. Si Elisabeth I règne alors sur l’Angleterre, Marie Stuart apparaît à son retour comme la légitime souveraine du pays, de quoi donner des sueurs froides à sa rivale, déjà bien rongée par une paranoïa, il faut le dire, plutôt justifiée.

Ready ? Fight !

Mais contrairement à ce qu’on pourrait s’attendre face à un tel pitch, Marie Stuart, Reine d’Ecosse n’est pas un Mortal Kombat sur grand écran. Pas de guerre sans merci ni de confrontation directe, même s’il est de notoriété publique que l’une des deux prendra la vie de l’autre (nous n’en dirons pas plus pour ne pas spoiler les néophytes en histoire des Tudor). La lutte, la vraie, celle qui donne au film sa légitimité (pour rester dans la thématique) et sa pertinence, c’est celle que mènent les deux reines parallèlement, et non plus l’une contre l’autre. Soyons objectifs : au XXIe siècle, tout le monde n’est déjà pas prêt psychologiquement à voir une femme à la tête de son pays. Alors au XVIe siècle ? Tout monarque a eu à faire face à son lot de complots visant à lui faire perdre son trône. Difficile d’imaginer ce qu’ont dû affronter Marie et Elisabeth pour assurer leur autorité et déjouer les manigances de leur entourage respectif. La veuve du Roi de France s’est mariée à deux nouveaux ambitieux qui ne rêvaient que de l’écraser pour enfin régner à sa place. En face, l’éternelle célibataire d’Angleterre a justement refusé de se passer la corde au cou, bien consciente que le nœud finirait par se resserrer. Autour d’elles, au sein même de leur propre cour comme dans le camp de leurs détracteurs, on les traitait d’hystériques, de faibles, voire de putains aux mœurs légères. Marie Stuart a pris le plus cher. Elle était attaquée de toute part : par son frère, par ses conseillers, par le grand réformateur de l’église écossaise John Knox, farouchement opposé au catholicisme. On imagine sans mal David Tennant, caché sous sa longue barbe, s’amuser à proférer d’innombrables insultes plus imagées les unes que les autres à l’encontre de la Reine des Écossais.

Marie Stuart, Reine d'Ecosse by Les Ecrans Terribles

En raisons des manipulations de son entourage, l’histoire s’est longtemps souvenue de Marie Stuart comme d’une reine faible et volage. Depuis sa tombe, elle doit probablement remercier l’historien John Guy : son ouvrage très documenté Queen of Scots : The Real Life of Mary Stuart a su redorer le blason de la martyre. Bible assumée pour ce film d’auteur aux dimensions de blockbuster, la biographie rend justice à une personnalité complexe, déchirée entre ses rêves de pouvoirs, son devoir envers le peuple écossais et le bien-être de son fils, né au cœur de la tumulte. Grâce au combo de têtes pensantes 100% féminin (la productrice Debra Hayward, la réalisatrice Josie Rourke et Saoirse Ronan, investie depuis des lustres dans le projet), Marie Stuart, Reine d’Ecosse diffuse son féminisme assumé deux heures durant. Le temps d’envoyer paître toute cette bande de charognards qui se délectait des malheurs qu’ils causaient eux-mêmes à leurs souveraines. Dignes, incroyablement futées et bien décidées à ne pas s’en laisser conter, Marie et Elisabeth dégainent leurs tempéraments dévastateurs et prouvent bien que, si les brunes ne comptent pas pour des prunes, les rousses ne se laissent pas envahir par la frousse, et ne reculeront devant rien pour mener à bien leurs idéaux et leur quête de pouvoir. Face à face, Saoirse Ronan et Margot Robbie rivalisent de charisme et composent, avec l’aide du très bon scénariste Beau Willimon, les portraits contrastés et sans le moindre manichéisme de deux “reines-soeurs” que le contexte historique a presque forcées à s’affronter alors qu’elles auraient pu très bien s’entendre. Dans leur persévérance et leur lutte pour assurer leur autorité et conserver un pouvoir qui les mine et les meurtrit chaque jour un peu plus, Marie et Elisabeth fascinent et deviennent, là, sous nos yeux, deux femmes bousillées et résilientes que la tragédie grecque n’aurait pas reniées. La phallocratie n’a qu’à bien se tenir !

Mary Stuart, Queen of Scots. De Josie Rourke. Avec Saoirse Ronan, Margot Robbie, Guy Pierce, David Tennant. Distribué par Universal Pictures France. Sortie le 27 février 2019. 

Élevé dès le collège à la Trilogie du Samedi. Une identité se forge quand elle peut ! Télé ou ciné, il n'y a pas de débat tant que la qualité est là. Voue un culte à Zach Braff, Jim Carrey, Guillermo DelToro, Buffy et Balthazar Picsou.

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