3 bonnes raisons d’aller voir L’ENVOLÉE d’Eva Riley
Une jeune fille de 14 ans perdue dans son quotidien, un père désintéressé, une passion sportive et soudainement, un demi-frère inconnu qui débarque. L’Envolée de la réalisatrice écossaise Eva Riley nous entraîne dans une chronique adolescente aux couleurs (et à l’accent) enchanteurs. On vous donne trois raisons de vous laisser tenter.
1°/ Parce qu’on parle finalement assez peu d’adolescence à travers des relations frères / soeurs
Les coming-of-age nous ont habitués aux groupes de potes, aux binômes inséparables, aux beaux garçons qui occupent toutes les pensées des héroïnes, aux filles qui font bafouiller leurs admirateurs… On a moins l’habitude de parler d’adolescence et d’émancipation à travers une relation entre un frère et sa soeur. Dans L’Envolée, le cas est encore plus particulier puisque Leigh n’avait aucune idée de l’existence de Joe. Lorsqu’il apparaît dans son salon, c’est un tremblement de terre. Deux univers qui se confrontent. Elle est gymnaste, une activité qui demande rigueur, travail, préparation interminable. Lui passe la plupart de ses journées à moto (la sienne ou celles des autres). Forcément, quand on a 14 ans, la liberté et les sensations fortes séduisent vite et montent à la tête. Bien plus que la répétition inlassable d’une même chorégraphie. Et à travers la découverte de ces deux ados qui s’ignoraient, L’Envolée va toucher du doigt toute une série de thématiques pas forcément simples à aborder : la solitude, le délaissement, le deuil, la confusion des sentiments et la sensation d’être enfin vu, d’être enfin compris. Des sujets traités avec une grande délicatesse.
2°/ Parce qu’on s’éloigne des teintes grisâtres du réalisme social à l’anglaise qu’on connait bien
Difficultés financières, famille dysfonctionnelle, jeunesse désabusée, les signes sont là : si l’intrigue de L’Envolée ne se repose pas uniquement sur ces bases solides du réalisme social que le cinéma britannique maîtrise si bien, impossible de ne pas ressentir dans le film d’Eva Riley l’héritage (volontaire ou non) d’un genre bien connu dont Ken Loach, Mike Leigh ou Stephen Frears ont fait la renommée. Mais loin de le vouloir négatif, fataliste voire un peu désespéré, la jeune réalisatrice de 34 ans a pensé son premier film comme une bulle de respiration. Le gris des trottoirs, le cuivre des briques laissent place aux teintes flashy des justaucorps et aux couleurs chaleureuses de la campagne du sud de l’Angleterre. Le soleil caresse la peau, le vent fait flotter les cheveux, le cœur bat la chamade, les émotions galopent et font chavirer les idées reçues. L’Envolée est une bouffée d’optimisme, celle qui rappelle qu’il suffit de peu de choses pour qu’un quotidien morne et triste se transforme en ode à la liberté, avec ses effets salvateurs et ses dangers inconscients (ah, l’adolescence et son besoin constant de tester ses limites…). Finalement, L’Envolée fait surtout du bien au moral, tout simplement. En cet été compliqué, on ne va pas cracher dessus.
3°/ Parce que Frankie Box est une vraie gymnaste (et pour la crédibilité, ça joue beaucoup)
Frankie Box et Alfie Deegan, tous deux amateurs, portent le film sur leurs épaules. Si Leigh et Joe sont aussi immédiatement attachants, c’est très majoritairement grâce à leur charme, leur complicité et la tendresse avec laquelle Eva Riley dépeint leur relation (on aurait aimé que les personnages secondaires soient aussi bien traités, mais ne chipotons pas). Alfie Deegan a été repéré en casting sauvage alors qu’il traînait dans une salle de boxe. Frankie Box, elle, a été motivée par son coach de gymnastique, avec qui elle a ensuite travaillé les chorégraphies du film. La voir bouger, sauter et effectuer salto avant ou arrière avec grâce et maîtrise joue pour beaucoup dans la construction de son personnage. Combien de fois, dans une oeuvre, avons-nous vu des rôles de sportifs interprétés par des comédiens (même de talent, même de renommée) remplacés le moment venu par des doublures ? Quand Eva Riley filme les entraînements de Leigh, elle capte l’élégance et le savoir-faire de Frankie Box. Quand Leigh virevolte, c’est Frankie qui virevolte. Caster des amateurs peut être à double tranchant, mais nul doute qu’Eva Riley a eu du nez en choisissant ses deux héros. Leur instinct et leur alchimie portent ce premier film imparfait mais attachant dans ses plus beaux moments. Et nous donne déjà envie de retrouver la réalisatrice écossaise aux commandes d’une nouvelle oeuvre. Quelque chose nous dit qu’il ne faudrait pas la perdre de vue.
L’Envolée (Perfect 10), d’Eva Riley.
Avec Frankie Box, Alfie Deegan, Sharlene Whyte.
Sortie le 8 juillet 2020.