La Dernière Vie de Simon : le fantastique français n’est pas mort (alléluia !)
Tous les trois-quatre ans, les médias du monde entier semblent trouver “l’héritier de Spielberg”. Comprendre un cinéaste capable d’émerveiller les spectateurs comme les films fantastiques des années 1980 savaient si bien le faire. On devrait lire un peu partout dans la presse cette semaine que son petit cousin français a fait son apparition. Il s’appelle Léo Karmann et son premier film, La Dernière Vie de Simon, nous renvoie directement en enfance.
Aux Écrans, on ne comprend pas trop ce besoin frénétique un peu artificiel de chercher des successeurs aux grands maîtres du fantastique. Ca nous apparaît plutôt comme un automatisme pas bien flatteur pour tous ceux qui se démènent pour faire vivre un genre cinématographique aussi riche en émotions. Ce qui est sûr, c’est que personne n’aurait songé à chercher leurs héritiers (ou héritières) en France. Non pas que leur champ d’influence n’ait pas traversé les océans. Mais le fantastique hexagonal galère chaque jour à exister. Et pour cause : l’expression “film de genre” file des boutons à bien des producteurs et distributeurs nationaux. Alors que 90% de la production française est trustée par le drame (pas toujours quali) et surtout la sacro-sainte comédie (qui l’est encore moins), le genre se partage les maigres miettes qu’on veut bien lui laisser. De fait, des gens comme Léo Karmann et Sabrina B. Karine (sa co-scénariste) luttent pour mener à bien des projets différents. Sur le papier, pourtant, le projet des deux auteurs avait tout pour plaire aux investisseurs. Une grande histoire humaine, entre romance, suspense et un sens inné du merveilleux so 80s. Un projet romanesque et touchant, de quoi séduire les rêveurs et les romantiques. Mais le fantastique made in France ne fait pas d’entrées… donc personne ne veut le financer.
Simon, nouveau héraut du fantastique ?
On ne remerciera jamais assez Grégoire Debailly de Geko Films d’avoir eu les couilles d’aller là où d’autres n’osaient s’aventurer. Car si La Dernière Vie de Simon n’est pas exempt de petits défauts, le charme immédiat qu’il dégage les fait vite oublier. À quatre mains, Léo Karmann et Sabrina B. Karine ont tissé les fils d’un récit incroyablement touchant aux mille facettes. Voyez plutôt : un jeune orphelin de huit ans fait un jour la rencontre d’une famille aimante qui l’accueille sous son toit le temps d’un week-end. Simon se lie immédiatement d’amitié avec les deux enfants, à tel point qu’il leur révèle son plus grand secret : il est capable de prendre l’apparence de n’importe quelle personne avec laquelle il a pu être en contact. Un pouvoir qui ouvre la porte à de très nombreuses possibilités. Karmann et Karine en ont choisi une, et pas la moins surprenante. Nous n’en dirons pas plus.
Le temps d’une heure et demi (qui passe en un éclair), les deux auteurs font preuve d’un coeur énorme et d’un amour irrévocable pour le fantastique qui a bercé leur jeunesse. La Dernière Vie de Simon en a la poésie, les teintes chaleureuses, la musique et le goût de l’aventure (à hauteur d’enfant mais pas que). Karmann et Karine auraient pu se contenter de nous faire retrouver les frissons qui nous rendaient fous quand nous étions enfants. Mais ils ont eu l’intelligence et le courage de s’en démarquer et d’éviter la sage copie sans personnalité. Au contraire, les deux scénaristes en ont à revendre et n’hésitent pas à emmener leur récit sur des territoires inattendus, ceux de la romance adolescente et du thriller policier. S’il ne cache pas ses inspirations et modèles cinématographiques, La Dernière Vie de Simon ne ressemble qu’à lui-même et c’est déjà bien plus qu’on aurait espéré. Bien sûr, aucune oeuvre n’est parfaite et l’on regrette par moments des dialogues assez bateaux, des seconds rôles pas assez poussés ou la disparition progressive de cette mise en scène envoûtante qui illumine véritablement la première partie. Mais la simple existence de cette Dernière Vie est quasi-miraculeuse et mérite d’être célébrée. On souhaite désormais au film un beau succès public, pour que les producteurs et distributeurs se rendent compte que non, le fantastique n’est pas la bête noire tant redoutée du cinéma français et que le genre mérite d’affluer de nouveau dans nos salles obscures.
La Dernière Vie de Simon, de Léo Karmann.
Scénario de Léo Karmann et Sabrina B. Karine.
Avec Benjamin Voisin, Camille Claris, Martin Karmann.
Sortie le 5 février 2020 chez Jour2Fête.
Retrouvez notre entretien avec Léo Karmann et Sabrina B. Karine juste ici.