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Focus

HALLOWEEN : comment le cinéma nous a fait flipper

Petite balade sur la route des souvenirs en mode retour de refoulé. Parce que le cinéma charrie nos moments d’interdits bravés, de frustrations acharnées, d’images à jamais gravées.

Tous les 31 octobre, l’horreur est à l’honneur. Celle de la fiction vient faire oublier le chaos du monde réel dans un moment de déni confortable au milieu de créatures qui ne cachent pas leur monstruosité. Quand les méchants ont de grandes dents acérées, tout semble soudain si évident et facile à gérer. Mais au cinéma, comme dans « la vraie vie », la peur naît aussi / surtout du hors-champ, de l’invisible, de l’inconnu. Sur les écrans, l’angoisse se nourrit des ambivalences, et parfois on ne sait même plus s’il faut rire ou frémir. A ce jeu-là, le réel et la fiction se confondent. Quoi qu’il en soit, on n’oublie jamais ses premières peurs de cinéma, pas plus qu’on ne peut effacer toutes celles que notre esprit viendra enregistrer à mesure qu’on aura avancé dans le couloir sinueux et sans fin du cinéma, monstre métamorphe s’il en est, riche de toutes ses tentacules internationales (avec une mention spéciale pour les arcanes asiatiques de la peur, redoutables d’efficacité). Il est parfois des films qu’on n’ose jamais revoir, qu’on a explorés par bribes, enfermés que nous sommes dans une peur primale de spectateur impossible à dépasser. Pourtant, il est aussi des films qu’on redécouvre pour voir se déployer de nouvelles subtilités sous le vernis noir de nos nuits blanches… Alors, c’est parti, la rédac’ passe sur le divan !

L’Exorciste de William Friedkin (1974)  : Halloween 2001, l’odyssée de l’hchouma

Où comment j’ai appelé mon père pour venir me chercher à une soirée pyjama entre copines parce que 1/ ma nature anxieuse réagit mal au THC (je le saurais comme ça) 2/ j’ai flippé ma race devant l’Exorciste et j’ai eu peur que la malédiction de Linda Blair passe jusqu’à moi par la bande magnétique de la VHS Vidéo-Futur. Après une belle nuit sans sommeil à avoir la sensation que mon lit tremblait et où un mec compatissant de SOS Médecin a confirmé que non pas du tout, c’est finalement passé. Mais entre nous, près de vingt ans plus tard, toujours aucune envie de revoir ce film sur les enfants gâtés que j’ai l’air de prendre personnellement. #notinmyname

Fairouz M’Silti



Sinister de Scott Derrickson (2012) : le détail Blow Up

Ce qui m’a le plus terrifié dans Sinister, c’est un petit détail : en zoomant sur ses photos de famille, le héros du film découvre que le démon Bagul était là depuis le début. Caché dans un coin de la haie, difficilement visible à l’œil nu. Une version un tantinet plus anxiogène des livres « Où est Charlie ? ». Je vous raconte pas comment, après ça, je me suis transformé en froussard en jouant à cache-cache avec des amis. La nuit. Dans un immense jardin rempli de haies. Encore un mois après avoir vu ce film, je scrutais toujours plus minutieusement que jamais la haie en face de ma fenêtre lorsque je fermais les volets de ma chambre…

Hugo Bouillaud



Shining de Stanley Kubrick (1980) : à la lumière du temps

À l’âge de 12 ans, ma soeur de deux ans mon aînée organise une soirée pyjama avec ses copines et m’autorise à y participer si je me tiens tranquille. Au programme, La Mélodie du bonheur, suivie de Shining. À l’époque je n’ai pas la maturité suffisante pour trouver ça drôle, mais plus étonnant encore, pour avoir peur. La vision d’un sommet de l’épouvante à cet âge aussi précoce m’a plus intrigué que traumatisé. C’est en le revoyant des années plus tard que j’ai vraiment pris conscience de la dimension horrifique de Shining et que l’adulte que je suis comme l’enfant de 12 ans que j’ai été, ont enfin eu peur.

Matthieu Touvet



Kaïro de Kiyoshi Kurosawa (2000) : le fantôme dans le couloir

Kaïro n’est pas le premier film d’horreur que j’ai vu, ni même le premier du genre de la J-horror. J’avais, en effet, déjà regardé Ring et son remake américain. Ces œuvres avaient en tout cas fait une forte impression. Je tannais ma mère depuis des jours afin qu’elle loue le DVD d’à côté, celui avec le visage effrayant dessus, et dont le nom du réalisateur, Kurosawa, me faisait croire qu’il s’agissait d’un film de l’auteur de Yojimbo, Le Garde du corps.
Malheur (ou bonheur ?), ma vision de Kaïro fut partagée entre fascination et terreur pour cette œuvre funèbre et apocalyptique, traversée par les fantômes les plus effrayants du 7ème art. Le plus terrible d’entre eux restera le fantôme de cette femme, à la démarche ralentie et saccadée, s’approchant inéluctablement d’un des protagonistes, coincé dans un couloir. Kiyoshi Kurosawa, à l’inverse d’Hideo Nakata, use de peu d’effets. Il dilate le temps, baigne sa mécanique fatale d’une musique minimaliste et fait apparaître en guise d’image finale un visage de mort qui laisse un souvenir impérissable.
Je n’ai fait aucun cauchemar le soir, lorsque je me suis endormi, ou même les nuits suivantes. Par contre, depuis ce jour où j’ai vu Kaïro, je me suis passionné pour le folklore horrifique japonais, le cinéma de Kiyoshi Kurosawa, et je vois régulièrement des fantômes hantés les rues et les pièces des appartements, une fois la nuit tombée.

Morgan Bizet



Le Seigneur des Anneaux de Ralph Bakshi (1979) : la VHS de l’enfer

Ma première expérience audiovisuelle traumatisante remonte au soir où mes frères et moi avons inséré pour la première fois la cassette VHS du Seigneur des Anneaux dans le magnétoscope. Installés confortablement dans le canapé, ce qui devait être une session dessin animé tout à fait ordinaire s’est rapidement changée en projection de l’angoisse. A commencer par la bande annonce inattendue de L’Exorciste (1973) en ouverture, suivie du film tout aussi flippant avec ses personnages rotoscopés. Nous avons coupé le film au bout de trente minutes, tant nous avions peur. La cassette a été enfouie au fond (du fond) de notre collection de VHS et n’a plus jamais été utilisée. Une pensée donc à l’éditeur de cette cassette et son « avant film » discutable, et à tous ceux qui comme nous ont croisé trop jeunes la route de cette VHS diabolique.

Camille Griner



L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona (2007) : un cri dans la nuit

Par une nuit de décembre, j’ai découvert LOrphelinat de Juan Antonio Bayona (A Monster Calls, Jurassic World). De ses deux heures terrifiantes, je me souviens particulièrement de l’effroi provoqué par la séquence de spiritisme… Une médium marche lentement dans les couloirs obscurs du manoir. Elle se met à murmurer : « Mes pauvres enfants… Mais que vous ont-ils fait ? Que vous ont-ils fait ?… » et sa voix est noyée dans des hurlements d’enfants mourants. Elle touche les lits d’un dortoir vide, sous les yeux révulsés de la mère, dont le fils a mystérieusement disparu quelques jours plus tôt… D’une force absolue, ces cris d’enfants malades me percent encore aujourd’hui les tympans.

Alexandre Lança



Edward aux mains d’argent de Tim Burton (1990) : un croquemitaine à ma fenêtre

« Descendez les filles, il y a un super film à la télé ! », a lancé ma mère depuis le salon. Âgée d’une dizaine d’années, j’étais ravie de pouvoir braver le couvre-feu un soir de semaine, me voici alors devant la télé. Le film démarrait tout juste, rythmé par la bande-son féérique de Danny Elfman. Tapi sous une mansarde, Edward apparaît devant Peg, remuant ses mains-ciseaux menaçantes. La suite du long métrage de Tim Burton m’a laissée une impression de violence. Violence physique, causée involontairement par le pauvre Edward, mais aussi une profonde injustice envers un anti-héros différent des autres, qui grandit jusqu’au moment où Edward est accusé d’être à l’origine d’un cambriolage. Mais j’ai compris plus tard la portée de cette fable magique sur la peur de l’autre et l’amour. Comme tout bon enfant de dix ans, j’ai passé plusieurs nuits sans trouver le sommeil, terrorisée à l’idée qu’Edward puisse entrer dans ma chambre en passant par la fenêtre… Ma mère a sans doute regretté de m’avoir montré ce film, et même si je l’ai redécouvert avec plaisir quelques années plus tard, je ne peux m’empêcher d’avoir un petit frisson quand j’aperçois Edward !

Lucie Dachary

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