Furie et The Wretched : débuts mitigés à L’Étrange Festival
L’Étrange Festival fête cette année son quart de siècle d’existence. Joli, pour un festival dédié aux œuvres filmiques barrées, singulières et lorgnant sensiblement du côté du cinéma de genre. L’Étrange Festival est devenu en 25 ans l’événement cinématographique le plus attachant et passionné de la capitale française, réunissant à chaque nouvelle édition un nombre croissant d’habitués et de nouveaux visages.
Pour ce vingtième anniversaire, les programmateurs ont vu les choses en grand, avec des rencontres exceptionnelles – dont une soirée d’anniversaire pour Alejandro Jodorowsky, qui viendra présenter un nouveau montage du Voleur d’arc-en-ciel – des avant-premières de prestige et une compétition qu’on espère de haute volée.
Les deux premiers films vus de la compétition, Furie de Olivier Abbou et The Wretched des Pierce Brothers, offrirent toutefois une entrée en matière en demi-teinte, emmenés par une volonté de bien faire, sans forcément atteindre les résultats escomptés.
Pluie, mobil-home et descente aux enfers
À ce jeu, Furie est peut-être le plus grand perdant. Plus ambitieux plastiquement que son concurrent américain, le troisième film d’Olivier Abbou – auteur du remarqué Territoires au début de la décennie, et de la série Maroni, les fantômes du fleuve pour Arte – se démarquait aussi par son pitch original, inspiré de faits réels : les déboires d’un couple dans l’incapacité de réintégrer leur domicile après de longues vacances estivales. En effet, la baby-sitter de leur fils, accompagnée de son petit ami, se sont vus prêtés la maison durant tout l’été. Ils profitent d’une absurdité administrative pour s’y installer et revendiquer le statut de locataires. Il est désormais impossible de les déloger.
Furie démarre sur les chapeaux de roue avec un plan séquence inaugural impressionnant. À l’intérieur de l’habitacle d’un mobil-home battu par une pluie irréelle, nous assistons impuissants et choqués à la tentative infructueuse de Paul pour retourner chez lui. La police finit par intervenir et arrête l’homme de manière musclée, tel un voleur. L’aberration de cette séquence se retrouve vite renforcée par le parcours kafkaïen des deux protagonistes, tentant en vain de récupérer leur propriété.
Si Furie vire évidemment au cauchemar, le délire kafkaïen est malheureusement trop rapidement évacué pour se concentrer maladroitement sur la descente aux enfers de Paul. Le discours sur l’idéalisation malsaine de la virilité apporte une profondeur inattendue au film, d’autant plus que Adama Niane avec son phrasé apathique excelle dans le rôle. Cependant, les seconds rôles caricaturaux désamorcent le parcours de l’antihéros vers la folie. Puis la fin horrifique, home invasion sanguinaire lorgnant vers le cinéma d’Haneke, achève d’enterrer Furie dans un grotesque désagréable, et ne réussit pas à insuffler le frisson attendu.
Vent de fraîcheur
The Wretched n’était pas forcément réjouissant sur le papier avec son synopsis de nanar condamné à mourir anonymement parmi la plupart des sorties direct-to-dvd. Ben, 17 ans, passe l’été chez son père et se trouve confronté à une créature étrange venue décimer la population d’enfants du voisinage. Pourtant, passé un prologue peu emballant, le film des Pierce Brothers montre un certain savoir-faire dans sa capacité à construire une galerie de personnages attachants et à éviter toute facilité horrifique – point de jump scare dans les 1h30 du film. The Wretched parvient à maquiller son esthétique ingrate en donnant vie à une créature étonnante et effrayante, accompagnée de quelques effets impressionnants (la créature récupère la peau de ses victimes afin de se « déguiser » en elles).
Comparé à Furie, The Wretched fait le choix de se plier à un cahier des charges plus générique, mais ne ménage pas quelques surprises grâce à un scénario bien ficelé. Si le film rappelle le génial Vampire, vous avez dit vampire de Tom Holland à bien des égards, les Pierce Brothers ont eu la bonne idée de ne pas faire vriller The Wretched vers l’œuvre nostalgique qu’elle aurait pu facilement être. Il serait facile de se plaindre du final qui rappelle quelques excès du cinéma d’horreur contemporain et leur incapacité à conclure un récit. Néanmoins, The Wretched a soufflé un vent de fraîcheur sur une programmation qui peut parfois sentir le réchauffé et le cynisme.
En Une : The Wretched de Brett Pierce et Drew T. Pierce ©L’Étrange Festival