DepuisMediapart by Les Ecrans Terribles
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Depuis Mediapart : au pays du gentil journalisme


Je n’ai grandi avec aucun a priori sur le journalisme. D’ailleurs, je n’en connaissais presque rien. Comme beaucoup, j’ai craché sur les chaînes d’informations en continu, la course au scoop et l’arrière goût de propagande. Mais pour ce qui est du fonctionnement d’une rédaction, je n’imaginais rien de plus qu’un grand open space, avec un rédac chef braillard et une tribu de jeunes premiers qui rongent leur frein à la fête de la marmotte en rêvant du Pulitzer. Bref, ce que Hollywood voulait bien m’en dire.

Peut-être faut-il un peu de cette ingénuité pour aborder Depuis Médiapart. Ne jamais avoir mis un pied dans un journal et découvrir avec soulagement que derrière le flux d’informations, il y a bêtement des gens. Que ces mêmes gens ne comptent pas leurs heures et triment pour apporter un rien de clarté à l’actualité. Sauf, qu’entre temps, je suis devenue pigiste. Et ce après un stage dans une importante rédaction parisienne qui fut justement l’objet d’une enquête réalisée par Médiapart à la suite du scandale de la Ligue du Lol. KO, l’ingénuité.

Alors oui, il est sûrement plus que nécessaire de rendre au journalisme son humanité. Et l’empathie avec laquelle Naruna Kaplan de Macedo filme la rédaction de Mediapart durant la campagne présidentielle de 2017 se donne pour ce qu’elle est : un hommage à un journal qu’elle lit, soutient et défend. Merde à l’objectivité documentaire. Si le sujet n’est pas de montrer ce qui grince, pourquoi le lui reprocher ? Tout simplement parce qu’on finit par se demander à qui ce portrait de Bisounours gauchos, déterminés mais jamais agressifs, différents mais toujours bienveillants, est adressé. Aux ingénus ou aux cyniques ?

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Edwy Plenel murmure es bons conseils ©NKaplanDeMacedo

Concrètement, filmer des journalistes consciencieux à l’heure où la profession est attaquée de toute part, s’arrêter sur Edwy Plenel, les larmes aux yeux, après l’élection de Macron, c’est me caresser dans le sens du poil. Mais que nous apprennent ces images ? Ne prêchent-elles pas déjà pour des convaincus ? Depuis Médiapart se resserre en une vision univoque, polie par les bons sentiments. Et il en faut. Mais, je vous l’ai dit, ma naïveté s’est faite la malle et je n’y crois plus beaucoup. Sans vouloir inventer des conflits s’il n’y en pas, où sont donc les doutes, les désaccords, les tensions inhérentes à chaque milieu marqué par le stress et les aléas de l’actualité ? Tout juste effleurés, ils sont chassés d’une claque dans le dos. Tout va bien, on vous dit.

Humaniser le journalisme revient-il à le désincarner ? Je ne suis pas sûre qu’aux accusations d’incompétence, de cupidité ou simplement d’arrogance, il soit nécessaire d’opposer une sainteté déontologique. Parce ce que derrière le flux d’informations, il y a bêtement des gens. Ni tout à fait cyniques, ingénus ou convaincus. A l’image des spectateurs.  

Depuis Mediapart. De Naruna Kaplan de Macedo. Documentaire. France. 1h40 . 2018. Distributeur : Docks 66. Sortie : 13 mars 2019.

Des Beaux Arts à la philosophie, de Jurassic Parc à Jeanne Dielman, il n'a jamais été question de choisir. Mais le cinéma n'est-il pas, justement, le lieu rêvé pour tous les incohérents qui ont refusé de trancher entre un vélociraptor et un éplucheur à pomme de terre ?

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