Tinnitus : La Sirène aux Acouphènes
Après Obra (2014), Gregório Graziosi est de retour dans les salles obscures avec Tinnitus, hybride immersif entre le thriller et le film d’horreur psychologique sur fond de compétition sportive de haut niveau. Un long métrage brésilien qui ne laisse pas indifférent malgré quelques ventres mous dans sa narration.
Marina (Joana de Verona), 30 ans, est une athlète de plongeon synchronisé à São Paulo. Au sommet de sa carrière, elle est victime d’un grave accident causé par une violente crise d’acouphènes. En 2020, quatre ans plus tard, éloignée du sport, Marina travaille dans un aquarium en tant que sirène. Son nouveau quotidien est ponctué par cet environnement exotique et le traumatisme de son accident pour lequel elle est toujours sous traitement. Teresa (Allison Willow), l’athlète qui a remplacé Marina dans l’équipe de plongeon, lui propose de la coacher avant les Jeux Olympiques de Tokyo. Cette suggestion inespérée ravive le désir de Marina de plonger à nouveau, mais elle se retrouve alors en lutte contre sa mystérieuse maladie et son propre corps. Tinnitus, s’il souffre de quelques longueurs par endroit, excelle pourtant par l’expérience sensorielle aussi malaisante qu’intéressante qu’il propose. A défaut de pouvoir représenter littéralement le mal qui ronge l’héroïne, Gregório Graziosi multiplie les trouvailles audacieuses, visuelles et auditives, pour permettre au spectateur de saisir, et de subir, l’étrange maladie de Marina et la peur qui en découle. Tinnitus est forcément inconfortable par endroit, mais on est pourtant happé par le quotidien de cette femme forte et ambitieuse en lutte contre un monstre invisible, terrifiant et paralysant.
Oscillant constamment entre le thriller onirique et l’horreur psychologique, le film dresse par ailleurs le portrait de plusieurs femmes déterminées dans un pays conservateur en train de sombrer dans une crise économique et morale. En effet, si Marina est de nature impulsive et indomptable, son ancienne entraîneuse Sonia (Thaia Perez) est également un personnage intéressant qui, loin d’être limitée par son âge, n’a de cesse de repousser ses limites et d’assouvir ses désirs, quoiqu’il en coûte. Plus largement, la maladie de Marina semble être une métaphore de sa peur de l’échec et de la pression quotidienne subie par les habitants des métropoles. Par le biais de cette métaphore angoissante, le réalisateur semble illustrer le mal-être et l’anxiété croissants d’une population brésilienne désabusée, en proie au gouvernement fasciste de Bolsonaro. Une population qui, si elle le pouvait, préférerait peut-être entendre un bourdonnement récurrent dans ses oreilles plutôt que les horreurs de ses dirigeants ? À voir. S’il n’est pas révolutionnaire par sa trame narrative, Tinnitus reste un film bien plus profond et singulier qu’il n’y paraît de prime abord.
Réalisé par Gregório Graziosi. Avec Joana de Verona, Andre Guerreiro Lopes, Indira Nascimento… Brésil. 01h45. Genre : Drame. Distributeur : Wayna Pitch. Sortie le 5 Juillet 2023.
Crédits Photo : © Wayna Pitch.