My Beautiful Boy : Mon fils, ma bataille (dixit Balavoine)
Trois ans après le fabuleux Belgica, Felix Van Groeningen revient dans les salles obscures avec son premier film produit et tourné aux Etats-Unis : My Beautiful Boy. Le virage en terre américaine est-il réussi pour le réalisateur belge ? Verdict ci-dessous.
Pour David Sheff (Steve Carell), la vie de son fils, Nicolas (Timothée Chalamet), un jeune homme brillant, sportif, vif d’esprit et cultivé, était déjà toute tracée : à ses 18 ans, Nic était promis à une prestigieuse carrière universitaire. Mais le monde de David s’effondre lorsqu’il réalise que Nic a commencé à toucher à la drogue en secret dès ses 12 ans. De consommateur occasionnel, il est devenu accro à la méthamphétamine et plus rien ne semble possible pour le sortir de sa dépendance. Réalisant que son fils est devenu avec le temps un parfait étranger, David décide de tout faire pour le sauver. Se confrontant à ses propres limites mais aussi à celles de sa famille…
Après un scénario original pour Belgica, Van Groeningen revient à son premier amour : l’adaptation cinématographique. En effet, My Beautiful Boy prend source dans les récits autobiographiques du journaliste David Sheff et de son fils Nic. Des « mémoires » publiées simultanément, qui relatent les dix années de combat de Nic contre l’addiction aux drogues. Années difficiles, racontées dans les livres du point de vue du père d’un côté, et de celui du fils de l’autre. Felix Van Groeningen et Luke Davies ont « rassemblé » les deux œuvres pour écrire le scénario de My Beautiful Boy. Le film s’axe cependant beaucoup plus sur le point de vue du père que sur celui de Nic, ce qui est le premier élément puissant et intéressant du projet. Bon nombre de films relatent en effet les péripéties de personnages accros aux drogues – Trainspotting (1999), Requiem for a Dream (2000) et j’en passe… – à travers le protagoniste addict.
Dans My Beautiful Boy, Felix Van Groeningen met en avant l’effet dramatique et destructeur des drogues sur une personne accro, mais surtout sur ses proches. Et comment ces derniers peuvent trouver le courage et la force de se reconstruire face à cette personne qu’ils aiment tant, mais qui se détruit. Une approche différente, et des plus bouleversante. Lumineux dans sa noirceur, le film parle autant aux parents qu’aux adolescents.
Effet miroir, prise de conscience, empathie extrême… Les sentiments du spectateur sont mis à rude épreuve. Et le duo de comédiens de tête y est pour quelque chose, incontestablement. A nouveau à « contre-emploi », Steve Carell (The Office, Foxcatcher) est décidément un comédien brillant, même loin de la comédie qui lui sied si bien. Dans les traits de David, effondré et qui tente le tout pour le tout pour garder le contact avec son fils, l’acteur de 56 ans excelle, toujours en justesse. Quant à la jeune pousse Timothée Chalamet (la révélation de Call Me By Your Name), il est également excellent dans son rôle de jeune homme plein de promesses dont la méthamphétamine empoisonne le sang. Là où d’autres auraient pu surjouer les mimiques d’un junkie, le comédien de 23 ans surprend par sa maturité de jeu, et n’en fait jamais trop. Impressionnant, il irradie l’ensemble du film.
Nous retrouvons donc ici encore la thématique phare, mais si bien maîtrisée, de Van Groeningen : celle des familles dysfonctionnelles. Le réalisateur réadopte également un montage non linéaire, composé d’allers-retours entre passé et présent, savamment dosés, entre jours sombres et plus heureux, qui rappelle par moment celui d’Alabama Monroe (2012). Force est d’avouer cependant que le fond prime ici sur la forme. La bande originale est notamment l’unique bémol du film. Même si l’on connaît le penchant mélomane du réalisateur, s’il était fort à propos dans Belgica, il se révèle dans My Beautiful Boy souvent superflu. Et gâche même certaines séquences clés qui auraient gagné en grandeur si elles étaient restées silencieuses.
Empli de retenu et d’émotion, My Beautiful Boy émeut profondément et met élégamment en lumière les talents de ses comédiens. L’impatience est renouvelée quant à la suite de carrière de Van Groeningen.
Réalisé par Felix Van Groeningen. Avec Steve Carell, Timothée Chalamet, Jack Dylan Grazer… Etats-Unis. 2h01. Genre : Drame. Distributeur : Metropolitan FilmExport. Sortie le 6 Février 2019.
Crédits Photo : © Metropolitan FilmExport.