Les Magnétiques : Éclore en 1981
Premier long métrage de Vincent Maël Cardona, Les Magnétiques nous conte l’émancipation d’un jeune homme après l’élection de François Mitterrand. Un film frais au doux parfum des eighties et de la new wave qui a reçu le Prix SACD à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2021.
Début des années 1980, dans une petite bourgade provinciale française. Philippe (Thimotée Robart) vit dans l’ombre de son frère aîné Jérôme (Joseph Olivennes), le soleil badass de leur bande de potes. Entre la radio pirate, le garage du père (Philippe Frécon) et la menace du service militaire, les deux frères ignorent encore qu’ils vivent les derniers feux d’un monde sur le point de disparaître… Le film s’ouvre sur l’élection de François Mitterrand et la joie sur les visages de Jérôme et ses copains. Philippe, à demi-mots, avoue à Marianne (Marie Colomb), la copine de son frangin, qu’il était pour Giscard. Visage mutin et yeux observateurs, on comprend rapidement que ce grand gaillard d’une vingtaine d’années fait plutôt partie du club des nerds introvertis et discrets, détonnant face à son frère extraverti et bruyant. Philippe est plus à l’aise planqué derrière ses micros et ses platines qu’en société. Il le dit lui-même : « Je ne fais pas partie des mâles alpha », comme le seraient supposément son père et son frère. Un constat d’autant plus rude pour lui lorsqu’il se rend compte qu’il est en plus incapable de se faire réformer pour échapper au service militaire. Hors des clous, Philippe a cependant un véritable don pour la musique et Les Magnétiques parvient à dresser avec finesse son parcours initiatique. Un cheminement qui est par moment relayé au second plan, laissant apparaître le motif principal du film : celui des villages ternes, abandonnés et ennuyeux que la génération des eighties souhaitait à tout prix quitter. L’émancipation se fait donc par le talent de Philippe mais aussi par la fuite de son patelin natal pour ce fameux service militaire qui le mènera à Berlin, fief de la new wave et du cool, centre névralgique d’un souffle musical et sociétal nouveau. Là où Les Magnétiques surprend, c’est qu’il fait bien évoluer ses protagonistes, mais le changement se fait par des chemins inattendus.
Espoir d’une nouvelle décennie et prémices tant rêvées de l’émancipation d’une génération qui se sent incomprise, gonflée par la victoire de la Gauche et la découverte de nombreux groupes émergents, les eighties sont par ailleurs retranscrites de façon originale et subtile dans Les Magnétiques. Si l’on sent l’amour profond de Vincent Maël Cardona et de ses co-scénaristes pour cette période, cette décennie fantasmée par les crus suivants est représentée ici loin des clichés flashy et de ses nombreuses idéalisations. Les teintes du film sont marrons et ternes, des couleurs qui rappellent plutôt les photos papier un peu vieillies de nos géniteurs que le clip punchy paillettes de Nuit de Folie. Très bien écrit, le récit de Les Magnétiques contient par ailleurs un double triangle : amoureux d’un côté, familial de l’autre. Un double motif qui permet au réalisateur de mettre en conflit les générations et les différents mouvements politiques et musicaux de l’époque. Vincent Maël Cardona parvient à retranscrire par le biais de ses personnages une époque qui laissait présager un basculement immense pour la jeunesse. Un film profondément moderne et dynamique d’une période pas si révolue, porté par des jeunes pousses prometteuses, qui s’offre par ailleurs deux séquences fascinantes et suspendues dans le temps : celles de Philippe entrain de faire joujou en mixant ses jingles radio, ses K7 et les micros. Jouissif.
Réalisé par Vincent Maël Cardona. Avec Thimotée Robart, Marie Colomb, Joseph Olivennes… France, Allemagne. 01h38. Genre : Drame. Distributeur : Paname Distribution. Prix SACD à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2021. Sortie le 17 Novembre 2021.
Crédits Photo : © Céline Nieszawer.