L’Année du Requin : Les Dents de La Pointe
Après le rural et poilu Teddy (2020), les frères Boukherma nous embarquent sur les côtes landaises avec L’Année du Requin, premier film français mettant en vedette un squale mangeur d’hommes. Chef d’œuvre ou navet au cœur des baïnes de la Nouvelle-Aquitaine, notre rédactrice Camille Griner vous donne son verdict ci-dessous.
Maja (Marina Foïs), gendarme maritime dans les Landes, ne peut se résigner à rendre son uniforme à l’approche de sa retraite anticipée. Son mari Thierry (Kad Merad), lui, a déjà prévu la place de camping et le mobil home afin qu’ils coulent des jours heureux entre sessions de marche rapide en matinée et après-midis « le cul posé dans le sable à regarder les vagues », activité principale des habitants de La Pointe d’après le narrateur de notre histoire. Mais la disparition d’un vacancier met toute la côte en alerte : un requin rôde dans la baie ! Avec l’aide de ses deux collègues Eugénie (Christine Gautier) et Blaise (Jean-Pascal Zadi), Maja saute sur l’occasion pour s’offrir une dernière mission… Ludovic et Zoran Boukherma continuent d’explorer le cinéma de genre hexagonal, et après s’être intéressés aux loups-garous dans Teddy, place au sélachimorphe ! Le nouveau film des deux réalisateurs originaires du Lot-et-Garonne est un hommage non dissimulé au fabuleux Les Dents de la Mer (1975) de Steven Spielberg. Des plans aquatiques subjectifs de la vision du squale à la réplique culte « Il nous faudrait un plus gros bateau », les jumeaux nous plongent dans une version 2022 du premier blockbuster américain de l’Histoire du cinéma. Et là où L’Année du Requin aurait pu se cantonner à une pâle copie de ce mastodonte cinématographique, le duo Boukherma livre un film de requins moderne malgré une trame narrative prévisible en apparences qui déjoue ceci dit régulièrement nos attentes.
Le parallèle entre L’Année du Requin et son prédécesseur spielbergien est tellement assumé qu’on se met rapidement à jouer au jeu des sept différences. Et il y en a plus de sept, rassurez-vous. Ce ping-pong de références, ponctué de dialogues et de running gags savoureux, rend le long métrage aussi séduisant qu’attachant : par ses personnages humains et pittoresques, mais également par son récit qui réussit à prendre le large face à son mentor. Pour exemple, trucider le squale (qui, pour rappel, est une espèce marine protégée) n’est pas la première option envisagée. Le but est de le sauver et de le relâcher loin des côtes françaises par avion. L’un des protagonistes ironise par ailleurs à ce sujet face aux propos écolos contradictoires de Maja. Sauvegarder une espèce menacée pour protéger notre écosystème puis faire un trou dans la couche d’ozone pour la libérer dans des eaux plus hospitalières ? Quel drôle de projet. Question climat, on entend aussi régulièrement la radio locale évoquer le réchauffement climatique et les épisodes caniculaires frappant la France (certains d’entre vous se rappelleront peut-être du 18 juin dernier) qui pourraient expliquer l’arrivée de la bête dans la baie des Landes. Autant de trouvailles, de clins d’œil et d’actualisation appuyés par la patte authentique des jumeaux Boukherma qui font de L’Année du Requin le projet le plus abouti et jouissif mettant en vedette ce super-prédateur marin de ces dernières années. Un film de requins qui valide également une nouvelle fois la théorie selon laquelle moins l’animal est vu à l’image, plus le projet est réussi. L’Année du Requin ravira à coup sûr les amateurs du genre, en s’offrant de plus pour la première fois le luxe de voir un squale attaquer nos plages françaises. Amis landais, locaux et touristes, gare à vous lors de vos baignades estivales !
Réalisé par Ludovic & Zoran Boukherma. Avec Marina Foïs, Kad Merad, Jean-Pascal Zadi, Christine Gautier… France. 01h27. Genre : Comédie. Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers. Sortie le 3 Août 2022.
Crédits Photo : © The Jokers / Les Bookmakers.