Hurlements : Attention, un loup-garou peut en cacher un autre
A l’occasion des 40 ans (passés) de Hurlements, une magnifique version remastérisée en 4K s’invite dans les salles obscures cet été. L’occasion de (re)découvrir ce film charnière du cinéma de genre dans lequel le loup-garou apparaît sous un tout autre jour et en pleine lumière.
Après avoir été agressée par un tueur en série, Karen White (Dee Wallace) doit mettre sa carrière de présentatrice TV entre parenthèses. Sur les conseils du Dr George Waggner (Patrick Macnee), elle rejoint un centre de repos où coexistent les patients de « la Colonie ». Alors qu’elle tente de reprendre pied, des cauchemars viennent lui rappeler le traumatisme qu’elle a subi. Lorsque la Lune ascendante devient pleine, d’étranges créatures viennent menacer certains membres de la communauté…
Parent pauvre du cinéma de genre face aux très populaires (et nombreux) films de vampires, la figure du loup-garou est devenue au fil du temps un personnage délaissé par les studios et par le grand public. Les questions de budget ne sont pas étrangères à ce phénomène, car ce genre de transformation nécessite un travail fastidieux. Alors que pour un vampire, quelques dents pointues en plus et le tour est joué ! Il subsiste néanmoins une poignée de films étendards. Il y a eu Le Loup-Garou (1941) de George Waggner (qui donne son nom au personnage du professeur dans le film de Joe Dante) avec le ténébreux Lon Chaney Jr., puis La Nuit du loup-garou (1961) de Terence Fisher dans le style patiné des productions de la Hammer. A l’orée des eighties, deux films viennent bouleverser la mythologie de ce monstre mi-homme mi-loup. Hurlements (The Howling) est l’un d’entre eux. Il a sans nul doute contribué au renouveau du genre au début des années 1980.
Le troisième long métrage de Joe Dante a d’abord marqué les esprits grâce aux impressionnantes métamorphoses du lycanthrope, éclairées subtilement par le directeur de la photographie John Hora (qui travaillera ensuite sur presque tous les films de Joe Dante). Avant ce film, le loup-garou se transformait soit par à-coups, soit en évitant la lumière ou encore par le biais d’un effet de montage comme le fondu-enchaîné. Ici, la bête prend forme devant nos yeux ébahis sans aucun effet CGI ou VFX (effets spéciaux numériques). Le visage se tord, les crocs poussent, les poils se dressent et tout cela uniquement grâce à des effets de plateaux, des animatroniques et du maquillage. Deux hommes sont à l’origine de cette prouesse technique sans précédent : Rick Baker (Star Wars, Videodrome, mais aussi le fameux clip Thriller de Michael Jackson) et son élève Rob Bottin, qui créera juste après les créatures hallucinantes dans The Thing de John Carpenter. Mais le chef de poste est rappelé en catastrophe sur le tournage de John Landis pour Le Loup-garou de Londres (deuxième film capital de la période). Il confie alors à Joe Dante son protégé. Ce dernier ne perdra rien au change : Rob Bottin s’occupera avec un talent incroyable de tous les maquillages spéciaux, notamment les prodigieuses séquences de métamorphose en loups-garous. Ce saisissant résultat continue encore aujourd’hui de surprendre grâce à la frayeur authentique qui émane de ces créatures hors du commun.
Comme souvent chez le réalisateur de Gremlins, il ne s’agit pas seulement d’un film avec des monstres et Hurlements n’échappe pas à la règle. En filigrane, plusieurs thématiques sont explorées et permettent de percevoir sous un jour nouveau ces créatures et les humains qui les côtoient. Avant ce long-métrage, le loup-garou était généralement victime de son état, il tentait de contenir cette différence et finissait le plus souvent par être persécuté à cause de celle-ci. Joe Dante prend ici le contre-pied et choisit de faire de ces lycanthropes une horde d’hédonistes sans foi ni loi, utilisant ses capacités sur-humaines pour imposer leur vision du monde. Contrairement aux simples mortels, le loup-garou n’est plus ici ce personnage qui doit se cacher des autres pour réfréner ses pulsions mais se voit plutôt comme un être affranchi du carcan des normes sociétales. Cette transformation intérieure témoigne d’un changement radical dans la lutte face aux instincts primaires qui le dévorait jusqu’à présent. Comme le prétend Earl (John Carradine), le vieux original de la bande : « On n’apprivoise pas ce qui est né sauvage ».
Le long métrage de Joe Dante oscille ainsi entre folklore fantastique et violence graphique. Classique par sa forme et son approche, Hurlements surprend par la crudité de sa violence. Sous les griffes de ces animaux à sang chaud, les plaies de leurs victimes s’ouvrent assez grand pour laisser échapper toute la chaleur qui subsistait dans les corps blessés. Le réalisateur de Small Soldiers reprend à son compte les caractéristiques aussi légendaires que tenaces de cette bête et offre une seconde vie au mythe du loup-garou. Joe Dante poursuit même la réflexion en faisant le parallèle (à peine voilé) avec les communautés sectaires repliées sur elles-mêmes et vivant sous les préceptes d’un guide spirituel. Comme le dit avec bonhomie le professeur Waggner sur les plateaux de TV : il ne faut jamais nier « l’animal qui est en nous ». Il faudrait ajouter que l’habit (ou plutôt la fourrure) du loup-garou ne fait pas le moine !Plus de 40 ans après, Hurlements conserve une approche moderne de ce monstre aux préoccupations très humaines. Mais cette vision ne semble pas avoir fait école. Le personnage du loup-garou est depuis renvoyé aux vieilles lunes, à sa forme première ou au mieux cantonné aux seconds rôles… Faut-il y voir une allégorie de la carrière hollywoodienne de Joe Dante ? Après le tournage difficile du blockbuster Les Looneys Tunes passent à l’action (2003) et sa mauvaise réception par le public, le réalisateur a entamé une longue et amère traversée du désert qui l’a peu à peu éloigné des grands studios californiens tandis que ses films (en grande partie ceux tournés dans les années 80) comme le fameux Gremlins sont devenus cultes.
Réalisé par Joe Dante. Avec Dee Wallace, Patrick Macnee, Dennis Dugan, Christopher Stone, Belinda Balaski. États-Unis. 01h31. Genres : Fiction, Horreur. Distributeur : Splendor Films. Ressortie en salles le 13 juillet 2022.
Crédits Photo : © Splendor Films.