Liana Valken : Comment j’ai choisi un film, ou ma vie avec le COVID
En Italie, lorsqu’on est cas contact, il faut attendre sept jours avant d’effectuer un test PCR. S’il est positif, l’isolement dure dix jours, au terme desquels un deuxième test doit être réalisé. Dix-sept jours de confinement pour les plus chanceux donc. J’ai eu le bonheur d’en faire partie en attrapant le Covid à Rome à la fin du deuxième épisode de la pandémie.
La première semaine, c’est le niveau 1, le plus facile : ça ne compte pas vraiment. C’est l’occasion de finir une série ; si vous ne l’avez pas encore vue, la saison 1 d’Euphoria (vite, la 2e sort en janvier) par exemple. Et puis, ceux qui n’osent pas vous apporter vos courses vous envoient des listes de films. A ce stade-là, pas besoin de choisir.
C’est à peu près vers le huitième jour que ça commence. Vous vous réveillez, et tout à coup, vous avez vu Hiroshima mon amour sur Mubi, l’intégrale de la saison 8 de The Office sur Netflix et vous avez lancé Chantons sous la pluie, parce que la Cinetek dit que c’est le film préféré de Céline Sciamma. Ou l’inverse, ou peut-être tout en même temps. De toute façon il est déjà 00h30, ce qui vous embête parce que vous comptiez voir La Main de Dieu qui vient de sortir.
C’est la nouvelle version du FOMO (ou fear of missing out, soit la peur de ne pas tout voir, tout faire), qui accompagne l’extraordinaire multiplication de l’offre cinématographique sur les plateformes. D’un côté, vous êtes devenu plus curieux : pouvoir tout voir, tout découvrir, c’est une chance. De l’autre, il y a le risque de se perdre, de consommer sans enthousiasme, de se décourager. Pour ceux qui ne savent pas faire de choix, c’est compliqué. Il y a des solutions : des conseils, des listes – la sélection du mois de la Cinetek, les plus gros succès sur Netflix, les films de la semaine de Tënk – et des articles – surtout ceux de votre revue préférée, Les Écrans Terribles. Mais là encore, pas toujours facile de s’y retrouver.
Heureusement, le seizième jour, vous avez enfin compris : personne ne viendra vérifier ce que vous avez vu. Ce qui compte, c’est de choisir une série pour une raison, et pas juste parce qu’elle s’est déclenchée automatiquement. Trouver son rythme, sa cohérence, privilégier un horaire, un genre ou un réalisateur. Et puis en changer le lendemain, s’il le faut. Mais rendre au cinéma sa charge propre, particulière, son pouvoir de rompre la monotonie et pas de la créer. En respecter la magie. Se souvenir que quand on est devant un film, on n’est plus tout à fait seul : savoir que c’est une chance et pas une solution de repli. Faire sa propre liste, accepter les ratés, et surtout prendre son temps. On en prolongerait presque le confinement de quelques jours.
Crédits Photo : Euphoria © HBO.