Battle Critique : Ruby, l’Ado Kraken
Après Egō et Les Cinq Diables, la rédaction des Écrans Terribles s’affronte à nouveau sur le ring autour de Ruby, l’Ado Kraken, dernier né des Studios DreamWorks. Un battle critique qui oppose cette semaine Adrien Van Noort et Camille Griner.
LE PITCH : Aussi maladroite qu’adorable, Ruby Gillman, du haut de ses seize ans, tente désespérément de se faire une place au lycée d’Oceanside où elle a l’impression d’être totalement transparente. Sa mère, qui la surprotège, lui a formellement interdit de se baigner dans l’océan. Mais le jour où elle lui désobéit et brise cette règle d’or, Ruby découvre qu’elle est une guerrière Kraken, de celles qui sont destinées à protéger les océans du monde entier de la cupidité et de la vanité des sirènes, leurs ennemies jurées. Ruby va dès lors devoir embrasser son destin et s’imposer pour protéger ceux qu’elle aime le plus.
POUR
Qui n’a jamais bugué devant La Petite Sirène (1990) et s’est toujours dit qu’une queue de poisson en guise de gambettes, c’était quand même vraiment naze ? Et qui, plus largement, s’est aussi un jour questionné sur le lien ambivalent entre méchanceté interne et beauté extérieure chez certains ados au cours des années collège et lycée ? Moi, oui. Et ce sont ces interrogations passées qui me sont revenues en mémoire lors du visionnage de Ruby, l’Ado Kraken, qui redonne leurs lettres de noblesse aux personnalités hors normes. Des freaks que beaucoup voudraient voir disparaître aux fonds des abysses, parce qu’ils brillent et se démarquent de la masse de (pré)pubères paumés, soucieux de ne pas sortir du moule. Ce nouveau dessin animé, comme Alerte Rouge (2022) avant lui, m’aurait mis du plomb dans la tête et évité des crises d’angoisse sans intérêt face au regard des autres si je les avais découverts dans mes jeunes années. La relation mère/fille, l’écriture de l’ensemble des personnages, l’importance primordiale de la communication à l’ère du tout numérique, les références multiples et savamment dosées, ainsi que l’atmosphère visuelle de ce coming of age, sont un régal pour les yeux et le cœur pendant près d’une heure trente. Efficace, tendre et épique, Ruby, l’Ado Kraken m’a fait rajeunir de quinze ans et permis (enfin !) de me sentir moins seule dans mon point de vue mitigé sur les mi-femmes mi-poissons, encore bien trop surcotées.
Camille Griner
CONTRE
L’adolescence, c’est monstrueux. Le postulat du film est fort intéressant mais ne devient jamais le teen-movie contemporain promis tant il ne prend pas le temps de poser ses personnages et son intrigue à cause de son rythme effréné. Dans Ruby l’Ado Kraken, tout se bouscule, de la métaphore sur la puberté à la rom-com adolescente en passant par l’affrontement contre une petite sirène en contre-emploi dans un rôle de parfaite petite peste manipulatrice. Et surtout, tout est prévisible. Les seules bouées de sauvetage de cette croisière balisée sont les maladresses de Ruby dans son design attendrissant mi-peluche mi-calamar, ainsi que les ponctuelles apparitions d’un marin streamer complotiste qui s’auto-persuade d’être la cible des krakens. Ces dernières m’ont arraché quelques sourires. On ressort finalement un poil frustré par certaines idées de scénario qui amerrissent difficilement dans la mise en scène. On pense notamment à l’expansion incontrôlable de Ruby lorsqu’elle plonge dans l’océan, métamorphose qui n’a aucun impact physique et émotionnel, ou presque, sur son environnement. Dommage car cette métaphore de l’adolescence monstrueuse sur fond de combat de Kaiju est sympathique, surtout quand on constate assez tristement que la puberté des jeunes adolescentes fait partie des arlésiennes des histoires de studios d’animation. En espérant que cette tentative, et celle d’Alerte Rouge (2022), qui abordait le même sujet, fasse des émules et inspire les enfants et les ados à qui il s’adresse en priorité.
Adrien Van Noort
Réalisé par Kirk DeMicco & Faryn Pearl. Avec Lana Condor, Toni Collette, Jane Fonda… États-Unis. 01h30. Genres : Animation, Aventure, Famille, Action. Distributeur : Universal Pictures International France. Sortie le 28 Juin 2023.
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