ACID Cannes 2024 : aux cœurs perdus
À côté des sélections de la Compétition officielle, de la Quinzaine des réalisateurs et autres branches du Festival de Cannes, l’ACID dévoile chaque année sa propre programmation de neuf films venus du monde entier. Parmi eux, on retrouve notamment des gens qui se cherchent… et d’autres qui se trouvent. Focus sur deux âmes errantes, paumées dans un monde qui n’attend d’elles que trop peu de choses.
Most people die on Sundays, de Iair Said (Argentine)
Avec Iair Said himself, sa famille juive en deuil et sa grosse crise identitaire.
Après une rupture pleine d’émotions, David rentre chez lui à Buenos Aires, à temps pour rejoindre sa mère et sa sœur à l’enterrement de son oncle. Des retrouvailles qu’il appréhende un peu : en surpoids (ce qu’on ne manque jamais de lui signaler) et en échec sentimental permanent, David se sent terriblement seul, n’avance pas dans sa vie et se traîne, sans grande énergie ni grande délicatesse, entre chaque péripétie du quotidien. Balourd, un brin trop passif, David pourrait être un de ces personnages de cinéma caricaturaux malmenés par l’existence qui regardent les malheurs s’accumuler avec complaisance. Mais il est écrit et interprété avec une vraie délicatesse par Iair Shaid. Most people die on Sundays, qu’on devine profondément intime pour le réalisateur, offre un bel écrin à cet anti-héros des temps modernes. Juif, homosexuel et en décalage avec ce que la société attendrait de ces deux versants de son identité, il est de ces gens qui tentent d’effacer leur peine en s’accrochant à chaque possibilité de bonheur, aussi saugrenue soit-elle. En s’enfermant volontairement en caleçon sur son palier pour essayer de séduire son voisin ou en tentant d’embrasser furtivement son moniteur de conduite. Tout ça pour cacher un cœur qui ne fait que subir, trop vivement, trop violemment, les émotions qui l’assaillent au quotidien. Le joli portrait, tendre et délicat, d’une âme en peine qui ne pourra trouver de repos qu’en faisant enfin face à ses propres angoisses. Un message qui devrait sembler bien familier à beaucoup d’entre nous.
Tout va bien dans le meilleur des mondes… © Campo Cine
In Retreat, de Maisam Ali (Inde, France)
Avec Harish Khanna qui se promène, un gamin plus perspicace qu’il n’y paraît et une ville indienne sacrément dépeuplée une fois la nuit tombée.
Une fois encore, dans In Retreat, il va être question d’enterrement… Mais cette fois-ci, l’âme vagabonde est arrivée en retard ! Alors qu’il a quitté sa famille depuis un long moment (trop long pour ne pas laisser d’amertume dans le cœur de ceux qui l’ont attendu), un homme tente de se rapprocher des siens suite au décès de son frère. Mais, persuadé de ne plus être le bienvenu après tant d’absence, il décide de retarder un peu plus les retrouvailles et s’enfuit pour une longue errance dans cette ville si familière mais désormais si différente… Inspiré par un ami de sa famille, venu à la rencontre de son père après une trop longue disparition, Maisam Ali dessine les contours d’un homme solitaire qui, face à son ancienne maison, fait le choix d’en rester éloigné un peu plus longtemps, et aborde des questions propres à l’appartenance à un groupe. Peut-on encore se considérer de la même famille lorsqu’on n’a pas donné signe de vie pendant des années ? Comment réussir à raccorder les liens, est-ce même seulement possible ? À travers une longue déambulation nocturne et la récitation de quelques vers évocateurs sur la solitude et le voyage, Misam Ali livre un film extrêmement minimaliste, loin de toute expression de jeu ou de narration que l’on pourrait attendre d’un film de fiction. Plus proche de l’exploration sensorielle et territoriale de la notion de d’exil, In Retreat est de ces films un poil trop opaques qui font le choix de ne pas tendre la main vers le spectateur pour le laisser profiter du voyage à sa manière. Avec ses dialogues à mi-chemin entre banalités et citations littéraires, le film aura rendu ces pérégrinations noctambules trop moroses pour nous… voire indéchiffrables. Mais gageons que des spectateurs plus réceptifs à la poésie et aux introspections ne manqueront pas de se laisser séduire.
Petit creux de minuit © Varsha Productions
Pour en savoir plus sur la programmation ACID Cannes 2024, rendez-vous sur le site de l’ACID !