Les Grands : les adieux de Vianney Lebasque à la série d’OCS
Une ellipse, un dernier tour de piste, et ça y est, ce sera fini. La série Les Grands attaque ce jeudi 31 octobre sa troisième et ultime saison. Invités sur le tournage d’un épisode charnière, nous avons pu partager quelques mots avec Vianney Lebasque, le “maître du récit” du petit bijou d’OCS. Alors qu’il s’apprêtait à dire adieu aux personnages qu’il a magnifiés trois années durant, le réalisateur s’est livré sur son attachement pour Les Grands et les défis qu’une série-laboratoire comme celle-ci a pu lui offrir.
La série entame sa troisième année. Comment avez-vous voulu construire cette nouvelle saison ?
On voulait la faire tourner autour de deux axes principaux : la notion de groupe et d’amitié, d’une part, et l’intimité, de l’autre. C’est quelque chose qu’on n’a pas vraiment exploré jusqu’ici. On voyait les Grands dans un milieu social restreint, c’est-à-dire au collège ou au lycée. Cette année, on franchit la barrière de l’intime, on les voit chez eux, avec leurs parents, dans leur salle de bain. En parallèle, la saison mène une réflexion sur l’Après, toutes ces choses qui nous tournent dans la tête quand on arrive en Terminale et qu’on ne sait pas ce qui nous attendra l’année suivante.
On vous a entendu dire que cette nouvelle saison serait très différente. Que pouvez-vous nous dire sur ce qui nous attend ?
Niveau ambiance, je dirais qu’on est quelque part entre les deux précédentes. L’idée est qu’on soit nostalgique de les quitter tout en sachant que si on les laisse, c’est parce qu’ils ont tous un avenir qui les attend. Il y a de la comédie bien sûr, du drame toujours. Beaucoup plus de scènes de groupe, une grande vitalité. La saison 2 éprouvait le groupe face à un nouvel établissement. Maintenant, le temps a passé, ils se connaissent tous beaucoup mieux, il y une vraie solidarité entre eux, avec quelques tensions forcément aussi. Mais ils vivent plus de choses tous ensemble que dans les saisons précédentes.
Comment avez-vous appréhendé ce dernier tour de piste ?
Le processus de création a été vraiment différent. Je suis parti une semaine avec les comédiens au mois d’août 2018. On a beaucoup parlé des textes, je voulais avoir leurs sentiments sur leurs personnages. Ça a été très important dans la préparation de la saison, comme une résidence pour une compagnie de théâtre. Seuls huit épisodes sur les douze étaient écrits et j’ai beaucoup retravaillé en fonction de ce qu’on s’était dit durant cette semaine-là. On a bossé des scènes où je leur demandais d’improviser à partir de situations données. J’ai pris ce qu’ils m’ont proposé, j’ai réécrit encore. Pareil sur le tournage. Je leur demande parfois : « que ferait Boogie, que ferait MJ ? ». On essaye des choses, on trouve ou on ne trouve pas. Tout le monde participe à la création de la scène. Je voulais vraiment remettre l’acteur au centre de la saison 3.
L’esthétique de la série a toujours été une de ses grandes forces. Est-ce qu’il y a des choses qui changent cette année ? La première saison avait une image très colorée, la deuxième un côté plus drogué…
La saison 1 jouait sur des sentiments doux, assez oniriques, avec pas mal d’imaginaire. La saison 2 avait davantage un côté « néons » qui rappelait Amsterdam (ndlr : où elle s’achevait), le quartier rouge, les interdits… Dans la troisième, on a voulu épurer au maximum, laisser la place au jeu. Que ce soit un peu plus sauvage, un peu moins formel. Je voulais revenir à quelque chose de plus énergique, je crois qu’on n’a pas fait un seul traveling depuis le départ, tout est en caméra à l’épaule. J’aime beaucoup le cinéma de Jean-Marc Vallée, je trouve que plus il a avancé, plus il a épuré. Je ne veux pas me comparer à lui mais je voulais revenir à quelque chose de plus réel, sans négliger pour autant notre identité visuelle.
Est-ce qu’on se sent plus libre lorsqu’on sait que sa série entre dans sa dernière saison ? Étiez-vous tenté de pousser un peu les curseurs ?
On avait à la fois envie de se faire plaisir et de ne surtout pas nous répéter. Et de ressentir ce plaisir pur d’être entre nous, de créer librement, d’oser des choses. L’ellipse de deux ans nous a permis d’étudier de nouvelles situations. Au-delà du symbole qu’ils soient de nouveaux “les grands” d’un établissement, elle nous permettait de les faire partir dans des directions très différentes.
Vos comédiens grandissent aussi. Ils vous inspirent ?
On se voit souvent en dehors du tournage. Ils sont devenus très amis. Je les observe beaucoup. On s’est beaucoup nourris d’eux, de ce qu’ils sont, de ce qu’ils sont devenus en se côtoyant les uns les autres. Plus la série avance, plus les personnages leur ressemblent.
Ce ne sera pas trop dur de les voir partir ? La série semble avoir été une grande aventure humaine pour chacun d’entre vous.
Je suis effectivement très attaché aux comédiens comme aux personnages. On se prépare tous à vivre quelque chose de fort quand ce sera terminé. On a partagé beaucoup de choses. Mais une série comme la nôtre, avec l’audience très restreinte des abonnés OCS, doit rester un laboratoire. Ils sont tous de grands comédiens en devenir. Il faut que la série leur serve de tremplin… et donc qu’elle s’arrête à un moment.
Pour fêter votre départ, vous n’avez pas eu envie de vous offrir des épisodes plus longs que les vingt-deux minutes d’OCS ?
On aurait bien aimé, mais le tournage est déjà très intense comme ça. On tourne douze épisodes en six semaines, soit deux épisodes par semaine. C’est déjà énorme. Surtout avec notre budget… C’est une de nos contraintes majeures, et tout ce qu’on a réussi à faire avec si peu d’argent est déjà miraculeux. Je suis vraiment bien entouré. Notre chef opérateur a un talent de dingue, c’est un véritable artiste, la série lui doit beaucoup. On essaye tous de faire avec très peu de moyens. La production se saigne aussi. Nous avons tourné un plan-séquence de vingt-deux minutes avec 50 figurants. C’est juste fou, et ce n’est qu’un épisode sur douze ! On se serre la ceinture à tous les niveaux. Tout l’argent qu’on a se voit à l’image. En trois ans, j’ai dû faire des croix sur très peu de choses, parce qu’on s’est tous battus pour trouver des solutions.
Parlons-en de ce plan-séquence. Comment l’idée vous est-elle venue ?
J’aime beaucoup les plan-séquences. Victoria m’a beaucoup marqué. La sensation de passer deux heures intenses dans la peau d’un personnage était vraiment réussie. En terme de mise en scène, le défi me tentait beaucoup. Je connais l’équipe technique depuis longtemps maintenant, je sais ce dont chacun d’entre eux est capable. Pareil pour les comédiens. Aucun épisode n’était encore écrit, mais je sentais que c’était le bon moment de le faire. De le faire ensemble. Comme je vous disais, Les Grands est un laboratoire où on peut essayer des choses, et le meilleur endroit possible pour tenter cette expérience.
Comment vous êtes-vous tous préparés pour ce nouveau défi ?
On a gardé la durée de tournage d’un épisode, c’est-à-dire deux jours et demi, mais on n’a véritablement tourné qu’une demi-journée. Ce qui a impliqué énormément de préparation, de répétitions, de réflexions et de tests avec le cadreur. Nous avions 22 minutes de vie à mettre en scène. Lors des répétitions, j’ai divisé le plan en quatre parties, pour bien les assimiler et arriver à quelque chose de fluide du début à la fin. Et puis est venue la réflexion technique : comment conserver la vitalité d’une soirée pendant plus de vingt minutes, et obtenir l’ambiance d’une fête avec la musique, les lumières, le brouhaha… tout en étant capable d’enregistrer les dialogues et le son en direct ?
Avec le recul, pensez-vous que Les Grands aurait pu voir le jour sur une autre chaîne qu’OCS ?
Je suis persuadé que non. Pas de cette manière. On a une telle liberté, je réécris beaucoup durant le tournage. On improvise à tous les niveaux. En tant que maître du récit, j’ai évidemment des discussions avec la production, avec la chaîne, mais ils me prêtent une confiance assez aveugle. Je fais ce que je veux. Sur une série plus « classique », il faut se faire valider à chaque étape, on a énormément d’interlocuteurs, tout le monde essaye de mettre son grain de sel. Le singulier devient souvent édulcoré. Si une grande partie de l’équipe en place est toujours présente et a envie de défendre Les Grands jusqu’au bout, c’est parce que OCS nous offre cette liberté quasi-totale. Et jusqu’ici, ils n’ont jamais eu à le regretter. J’espère que la saison 3 leur plaira, et vous plaira tout autant.
Propos recueillis par Gauthier Moindrot à Tourcoing sur le tournage de la saison 3.
Merci à Baptiste Arvet Thouvet et Isabelle DiCostanzo d’OCS.
Photo en une : © OCS
Les Grands saison 3, dès le jeudi 31 octobre à 20h40 sur OCS Max.