Reprise 57ème Semaine de la Critique – Pauline asservie
Cannes a été l’occasion de découvrir non seulement des longs métrages, mais aussi des courts, dont la sélection de la Semaine de la critique. Or, si vous, chers lecteurs, pouvez déjà découvrir certains longs exposés par le festival grâce à leur sortie rapide en salles, il n’en est pas de même pour les courts. Mais c’est sans compter sur les reprises accueillies par quelques institutions et sur le parcours itinérant des programmes. Ainsi ce week-end était l’occasion de découvrir les films courts de La Semaine de la critique à la Cinémathèque française de Paris, après leur projection fin mai à la Cinémathèque de Corse à Porto Vecchio. Pour l’occasion, retour sur un de nos coups de coeur : Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet.
L’amant (et directeur de thèse) de Pauline ne répond pas à son texto : il n’en fallait pas plus pour faire vaciller le monde de la jeune femme. Partie se mettre au vert avec son amie Violette, elle s’impatiente, bout, se fâche et ne lâche pas une seule seconde son portable. En bonne intellectuelle habituée à chercher le sens de toute chose, elle tente d’imaginer tous les scénarios possibles expliquant ce mutisme. On pourrait résumer Pauline asservie de la manière suivante : j’aime, donc j’interprète. Bien sûr, moins il y a de matière, plus il y a de place pour l’interprétation, et quand il n’y a plus de matière à interpréter (le silence de Bruce – car oui, ce vieux professeur qui brille par son absence s’appelle Bruce), alors on surcharge de sens le silence, on recherche désespérément à déchiffrer, jusqu’à ce que le langage, pirouettant sur lui-même, porte à l’hystérie, puis à l’abandon.
Cette délicieuse comédie littéraire, placée sous le signe de Barthes, et emmenée par Anaïs Demoustier, est d’une belle fraîcheur divertissante. Le procédé n’est pas nouveau, mais fort bien mené : Charline Bourgeois-Tacquet joue des contrastes pour mieux souligner les excès de cet état passionnel (campagne silencieuse contre parisianisme exacerbé, adolescents insouciants contre jeune adulte angoissée…). Le danger était bien entendu de proposer des personnages secondaires faibles ; or ils sont aussi scrupuleusement travaillés que Pauline, à l’image de sa meilleure amie interprétée tout en douceur par Sigrid Bouaziz. La force du film est d’encadrer habilement l’éruption délirante des répliques (cela fuse comme dans une screwball comedy) par un certain classicisme formel qui ne fait que mettre en valeur les jaillissements furieux de l’impatience amoureuse.
Réalisé par Charline Bourgeois-Tacquet. Avec : Anaïs Demoustier, Sigrid Bouaziz… 24mn. Sélectionné à La Semaine de la Critique. Production Année Zéro. Séance samedi 2 juin 2018, 19h30 – Salle Georges Franju à la Cinémathèque.
One Comment
Pingback: