Les Grands : on a passé une journée sur le tournage de la saison 3
Tourcoing, 12 octobre 2018. Le soleil brille avec une intensité inhabituelle pour un automne français. Le ciel doit être aussi ravi que nous : la troisième saison de la brillante série d’OCS Les Grands est en cours de tournage, et nous sommes conviés à la fête. Grands défenseurs du programme depuis son apparition en 2016, nous ne pouvions décemment refuser l’invitation.
Rendez-vous donné près d’un vieux bâtiment abandonné (« le manoir », comme ils l’appellent dans l’équipe) de Tourcoing. Pour sa troisième et dernière année, la série d’OCS s’émancipe de Tours, jusqu’ici fief privilégié de la production, pour envahir le Nord et mettre à profit les subventions de la région Hauts-de-France. Une aubaine pour l’équipe, qui cherche justement à sortir les lycéens de l’enceinte parfois restrictive de l’établissement scolaire. Sur les six semaines de tournage prévues, très peu de temps sera passé au sein de l’école. Une volonté pour les créateurs de mener cette saison 3 hors des sentiers battus. « Nous n’avons tourné qu’une seule semaine dans le lycée, cette année », nous confirme Elsa Rodde, productrice. « Les deux premières saisons tournaient autour du collège et du lycée, mais les personnages sont désormais de semi-adultes. Ce qui nous a intéressés cette année, c’est leur intimité. On voit les Grands dans la rue, dans leurs appartements, dans leur vie nocturne aussi. Ça implique un vrai changement et un gros challenge en termes de fabrication puisqu’on a beaucoup plus de décors. Tourner à Lille et Tourcoing est formidable, ça nous offre une grande variété de décors urbains, d’appartements et d’intérieurs, qui devrait enrichir la saison ».
Peu de lycée, moins d’intrigues scolaires et une orientation plus intime ? Cela ne peut que nous convenir. Là où la première saison nous présentait de jeunes ados un peu dans leur bulle, la seconde les confrontait à la dure vie lycéenne et faisait éclater un groupe qu’on pensait solide. La troisième fournée devrait donc renouer avec l’unité centrale de cette bande d’amis lors de soirées ou de vacances communes. On s’en réjouit d’avance, d’autant plus que la série a jusqu’ici réussi le défi pourtant ardu d’éviter les clichés. Elsa Rodde nous le confirme. « On a essayé de les éviter mais sans pour autant passer à côté des thèmes communs de l’adolescence. C’est un équilibre qu’il a fallu trouver avec Vianney et les scénaristes. Raconter des choses universelles sans qu’elles soient trop attendues, tout en caractérisant des personnages forts. Parce que l’adolescence, plus que tout autre âge, c’est un ensemble d’êtres humains très différents qui évoluent très différemment. Et on voulait qu’elle soit traitée de manière honnête et très tendre ».
Cette tendresse, sensible à chaque minute, on la doit tant aux scénaristes Joris Morio et Benjamin Parent, qui ont porté le projet à bout de bras pendant des années avant de créer la série, qu’à la réalisation de Vianney Lebasque (Chacun pour tous, Les Petits Princes). Profondément attaché aux personnages et aux comédiens, le chef d’orchestre de la série a réservé à sa joyeuse troupe un défi de taille cette année : tourner l’intégralité d’un épisode, soit vingt-deux minutes, en un seul plan-séquence à l’intérieur du fameux « manoir » qui se dresse à quelques mètres de nous. En bon hôte, le réalisateur nous a accompagnés à l’intérieur, tout du moins dans les étages sécurisés par la production. Car le bâtiment est bel et bien délabré et un journaliste aventureux pourrait bien se faire avoir par une planche faiblarde ou une fenêtre cassée… Pas de risque, nous ne sommes pas casse-cous. Dans les pièces principales, en revanche, l’ambiance est tout autre. Mannequins affublés de vêtements provocants, néons flashy, cadavres de bouteilles d’alcool vides et une quantité absolument stupéfiante de ces verres rouges en plastique, symboles ultimes des grosses fiestas à l’américaine : aucun doute, nous venons de mettre les pieds dans une énorme fête en devenir. Le genre de célébration qui nous donne immédiatement envie de tout plaquer pour revivre notre adolescence le temps de quelques heures.
À l’entrée de la demeure, les Grands profitent d’un break pour tirer sur une clope et se marrer entre eux. Théophile Baquet (Hugo), derrière un bel appareil photo, immortalise leurs instants de détente. Tous savent ce qui les attend. Ils répètent depuis la veille cet énorme plan séquence qu’ils enregistreront le lundi suivant. Vingt-deux minutes non stop : de quoi faire frémir bien des comédiens. Mais pas eux… ou pas tout à fait. « Bon, ça fait un peu peur », admet Grégoire Montana (Boogie). « Mais je suis tellement content qu’on relève le défi. Je l’ai dit à Vianney d’ailleurs : plus ça me fait flipper, plus je prends mon pied ! ». À ses côtés, le reste de la troupe acquiesce. Sami Outalbali en particulier. « C’est génial de faire ça sur Les Grands. En trois ans on a déjà réussi à faire tellement de trucs incroyables. Ce plan-séquence est hyper ambitieux. Pour une saison trois, c’est une belle signature ! ». Le jeune comédien a raison. Au fil du temps, Les Grands a pu se parer des plus beaux atours, d’une ambiance planante, colorée et mélodieuse, qui laisse tant place à la cruauté de la vie qu’à l’onirisme le plus enivrant. Le plan-séquence n’est qu’une belle étape de plus pour cette série-laboratoire où tout semble possible.
Quelques heures durant, c’est donc tout un épisode qui a pris vie sous nos yeux, alors que Vianney Lebasque et sa troupe répètent méthodiquement chaque déplacement, chaque dialogue, chaque mouvement de caméra. Et action ! Alors que le DJ officiel du lycée, l’infatigable (et parfois très fatigant) Dylan, met le feu aux platines, MJ prend du bon temps, Hugo cherche à draguer, April et Kenza tiennent le bar, Boogie fait la sécu et Ilyes tente de cacher ses emmerdes à son nouvel amoureux Adam (Théo Augier). Le tout en musique, avec une fluidité remarquable, même si tout n’est pas au point. Le décor incroyable que fournit le manoir reconverti en lieu de débauche dyonisiaque crève l’écran. Sur le moniteur du retour caméra, les couleurs pètent, le décor s’incarne et les comédiens nous promènent dans un dédale labyrinthique à la cinégénie stupéfiante. Quelques heures plus tôt, Vianney nous confiait ne pas avoir prévu de filet de sécurité, et croiser les doigts pour que tout se passe au mieux lors du tournage. Face aux répétitions filmées, alors même qu’il leur reste toute une journée de préparatifs avant d’officiellement tourner ces vingt-deux minutes de fête grandeur nature, le réalisateur peut se rassurer : à nous, simples novices, le spectacle semble prometteur. Mais nul doute que les cinquante figurants qui arriveront le lundi suivant ajouteront bien des complications qu’il leur faudra surmonter avant l’enregistrement.
De notre côté, nous ressortons de cette visite de tournage encore plus amoureux de la série que nous ne l’étions vingt-quatre heures plus tôt (ce que nous ne pensions sincèrement pas être possible). Et rassurés de voir que, à quelques mois du chant du cygne officiel, Les Grands ne se ménage pas et tente encore et toujours de surprendre et de relever des défis vertigineux avant que ses jeunes héros ne nous quittent, le bac en poche (ou non), pour de nouvelles aventures hors écran. Ils vont évidemment nous manquer, mais toutes les bonnes choses ont une fin, le lycée en particulier.
Un grand merci à Baptiste Arvet Thouvet et Isabelle Di Costanzo d’OCS pour cette belle journée.