LA COMMUNION de Jan Komasa : Aide-toi et peut-être que le ciel t’aidera
Et s’il n’y avait pas de pont entre le mal et le bien ? Quelles options s’offrent à nous quand on veut s’éloigner du premier pour atteindre le second ? C’est tout l’enjeu de La Communion, plongée tendue dans la Pologne ultra-religieuse à travers les yeux d’un héros symbole de l’échec du système en place. Si la deuxième chance n’arrive pas, autant se la donner soi-même, quitte à s’aventurer en terrain sacré et à se découvrir des vocations.
Malmené dans le centre de détention pour mineurs où il purge sa peine, Daniel découvre la religion et s’accroche à sa foi en espérant qu’elle lui ouvrira les portes du séminaire. Il ne peut envisager son salut qu’en choisissant entre deux types de radicalité : la délinquance ou la prêtrise. Hélas, on ne se repentit pas comme ça et si Dieu a réellement un plan pour lui, l’habit n’en fait pas partie. Tant pis, il le portera quand même. En se faisant passer pour un jeune prêtre, il est engagé pour gérer la paroisse d’une communauté rurale encore meurtrie par un drame ayant ôté la vie de quelques-uns de leurs membres. Sauvé momentanément par sa nouvelle couverture, il entreprend de renouer les liens entre les personnes au risque de se heurter à l’hostilité de certains, qui ne voient pas d’un bon oeil l’arrivée du changement, quel qu’il soit. Toute ressemblance avec Sister Act est fortuite et s’arrête ici.
Système D (comme Dieu)
Sujet toujours sensible et traité à maintes reprises, la délinquance juvénile est abordée ici d’une manière crue et sans concession, comme dans l’immense Scum d’Alan Clarke en 1979. Cependant La Communion ne s’attarde pas sur les conditions d’éducations dans les centres fermés, mais traite au contraire de la réinsertion et de la deuxième chance qui nous est donnée – ou pas. Dans ce film tiré d’un fait divers polonais, le réalisateur Jan Komasa et son scénariste ont voulu évoquer la question de la religion, ou plutôt de ce qu’il reste de la piété dans ce pays traditionnellement conservateur qui n’est plus autant porté par la foi qu’auparavant. Komasa ayant choisi de tourner dans une zone où le sentiment religieux est toujours très présent, nous sommes alors plongés dans une micro-société en quête de réponse, soudée autour de la paroisse et de son représentant chancelant
Confessionnal connecté
La dureté du sujet se traduit par une mise en scène plutôt sèche, aux couleurs éteintes, à l’image de l’atmosphère du village où l’action se déroule. La couleur du film émane de son acteur, Bartosz Bielenia, qui irradie chaque plan de son visage androgyne et mystérieux. Ses traits émaciés pourraient sembler moribonds si ses grands yeux bleus et l’intensité de son jeu ne dégageaient pas autant de vie et de chaleur. Il fallait bien en effet une personnalité troublante et multiple, captée au plus près, pour parvenir à incarner avexc justesse ce jeune homme emprisonné dans son mensonge mais toujours en quête de rédemption. L’accent est mis sur le caractère implacable de la justice divine, sans pour autant exclure quelques passages drôles que crée forcément une situation comme celle-ci. Naviguant entre besoin d’anonymat et devoir de fédérer, on ne sait jamais vraiment si l’ardeur avec laquelle il s’implique dans son nouveau rôle sert sa crédibilité ou relève d’une véritable vocation.
Pour autant, on regrette que le rythme ne soit pas un poil plus chahuté par la tension et par la situation de danger permanent dans laquelle navigue le personnage. Malgré cela, le troisième long métrage de Jan Komasa fascine par un ton personnel et un regard brut. Il aborde la communauté, sociale ou religieuse, d’une manière très humaine et n’a pas peur d’en montrer les travers. Il est enfin question de la solitude des prêtres face aux nombreuses attentes des fidèles qu’il ne faut pas décevoir, qui se tournent vers eux en attente de paroles salvatrices. En cas de panne d’inspiration, on peut toujours consulter Google dans le confessionnal.
La Communion. Un film réalisé par Jan Komasa. Avec : Bartosz Bielenia, Eliza Rycembel, Aleksandra Konieczna… Nationalité : Pologne. Distribution France : Bodega Films. Durée : 1h58. Sortie en salle : 4 mars 2020.
Crédits photographiques : © Bodega.