Dans l’arrière-cuisine de « Sweetbitter » avec Ella Purnell
Comme les bons crus, certaines séries se bonifient avec le temps. La très discrète dramédie Sweetbitter est de celles-là. Bien moins aigre et sombre que ses homologues de séries dramatiques de 30 minutes (dont The Girlfriend Experience, également diffusée sur Starz), la saison 2 du projet adapté du livre de Stephanie Danler a délaissé le rite de passage intense mais un peu balisé pour prendre la forme d’une série d’ensemble enlevée et plutôt attachante. De l’aveu même de Stu Zicherman, le showrunner de la série, la saison 1 était construite comme un gigantesque pilote, découvrant l’envers du décor d’un restaurant new-yorkais à travers les yeux de Tess, jeune ingénue fraîchement débarquée de l’Ohio. Maintenant que Tess a fait ses preuves, Sweetbitter peut faire évoluer le personnage au sein d’une troupe d’acteurs inconnus mais très justes, et d’une tête connue en la personne de Caitlin FitzGerald (Libby Masters dans Masters of Sex). Alors que la saison 2 s’est conclue le 18 août, on a discuté avec Ella Purnell (actuellement sur le plateau du prochain Zack Snyder au Nouveau-Mexique) de l’arôme de cette deuxième saison, et des relations entre les personnages.
Propos recueillis par Florian Etcheverry
Sweetbitter est un peu difficile à décrire correctement. La série évoque l’arrivée d’une jeune femme qui est embauchée comme serveuse et essaie de naviguer au sein d’un environnement luxueux. On s’attend à que l’on entre dans les coulisses de la haute cuisine vu que cela se passe dans un établissement gastronomique plutôt côté, mais la série s’attache plutôt à suivre le quotidien des employés du restaurant. Est-ce qu’on pourrait dire de venir voir Sweetbitter pour les bons plats, et de rester pour le drama ?
Ella Purnell : Je pense qu’on peut le voir comme ça. Tess a une vue d’ensemble sur tout le restaurant, en étant serveuse débutante : la série représente de manière réaliste ce que c’est de travailler dans ce secteur de la restauration. Je pense que la série réussit à approcher ce monde de manière plus complexe.
La série est aussi plutôt rare à la télévision américaine, car elle est consacrée à la vie d’employés de la working-class américaine au sein des grandes villes. Elle les dépeint même sous un jour très solidaire et soudé. On s’attend à ce qu’Ella rencontre toutes sortes d’obstacles à chaque épisode, mais finalement elle trouve pas mal de soutien. Est-ce important de voir cet environnement de travail sous un autre jour que celui de la toxicité et de la concurrence ?
Absolument. J’ai fait un petit boulot en tant que serveuse, et même à cette échelle-là, il existe de la solidarité, en raison de journées très longues et de tâches fortement stressantes. On explore, dans cette saison, quelque chose que j’apprécie vraiment : Tess crée sa propre famille, notamment en s’occupant de Sasha, qui a émigré de Russie et a des problèmes avec l’alcool. Ils arrivent à établir une relation qui ne peut uniquement se nouer que si l’on connaît assez les gens avec qui on travaille. De la même manière, je sens un rapport confraternel avec le reste du cast que je n’ai jamais vraiment ressenti auparavant.
Une des relations principales qui est développée pendant cette saison est avec Simone (Caitlin FitzGerald). C’est une relation à deux facettes : l’une de mentorat, l’autre d’amitié, mais elle est assez fragile, et souvent ébranlée par la confiance qu’elles se portent. Est-ce que c’est dur de rendre compte de cette évolution lorsqu’on n’a que 8 épisodes ?
Vu que les scénarios sont si bien écrits, cela rend la chose plus facile. On a laissé Tess et Simone en suspens sur une note compliquée à la fin de la saison 1 [Simone ne souhaite pas engager Tess à plein temps, mais Howard prend la décision de la garder quand même, ndr] . Je ne savais pas où ça irait, et je pensais qu’elles seraient en conflit toute la saison, mais ce n’est pas le cas. C’est une situation complexe et nuancée, et je ne sais pas si le public peut forcément la suivre tout du long. Je pense que secrètement, elle est un peu amoureuse de Simone et cela est contrarié par les liens forts qui unissent cette dernière avec Jake. Au cours de cette saison, maintenant que le passé de Simone est révélée, elle devient plus limpide à comprendre.
L’autre personnage qui est approfondi pendant cette saison 2, c’est Howard (Paul Sparks). On s’attend à ce qu’il soit un cliché du patron intraitable et exigeant avec Tess durant la saison 1, mais il s’avère être plutôt avenant avec elle. Pendant la saison 2, on découvre chez Howard une face plus sombre, très maniaque et empreinte du désir de contrôler, qui est un peu tempérée par Simone. Est-ce que, sur le long terme, on peut voir Howard comme une menace pesant sur la carrière de Tess ?
La saison 2 aborde toutes sortes de thèmes, dont l’abus de pouvoir dans le milieu du travail. Et on le voit dès le premier épisode puisque Tess demande pourquoi on l’a engagée alors qu’elle n’est pas qualifiée pour le poste. C’est un thème qui devient prédominant dans l’épisode final de la saison 2, où Tess va au domicile d’Howard. C’est une tournure choquante, mais cela signifie aussi que Tess a des cartes en main, et qu’elle n’hésite pas à les jouer. Elle sait comment manipuler les gens. Je crois que c’est quelque chose qu’on ne voit pas assez, surtout vu que la série se déroule dans le milieu de la restauration qui a eu son lot de scandales. Mais la raison pour laquelle Tess fait ce qu’elle fait dans cet épisode est dû au fait qu’elle pense pouvoir aider Simone, et aussi parce qu’elle sent une volonté de rébellion monter en Howard et elle veut y participer. Je ne sais pas, la réponse est très compliquée.
Sweetbitter saison 2. Réalisateur : Stuart Zicherman. 8 épisodes. Disponible en VOST sur StarzPlay (disponible via AppleTV). Saison 1 également disponible à la demande.
Photo en Une : © Starz. Avec Eden Epstein, Ella Purnell, Jasmine Mathews.