La Fiancée du Poète : L’arche de Mireille
Après les réussis Quand la mer monte (2004) et Henri (2013), Yolande Moreau revient des deux côtés de la caméra avec La Fiancée du Poète. Un troisième long métrage en demi-teinte pourtant auréolé du Valois du scénario au Festival du Film Francophone d’Angoulême cette année.
Mireille (Yolande Moreau), amoureuse de peinture et de poésie, s’accommode de son petit boulot de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville, tout en vivant de chipage de gâteaux et de papier toilettes ainsi que de trafic de cartouches de cigarettes. N’ayant pas les moyens d’entretenir la belle bâtisse familiale des bords de Meuse dont elle a hérité, Mireille décide de prendre trois locataires pour maintenir le radeau à flots : un étudiant aux Beaux-Arts à tendance faussaire (Thomas Guy), un jardinier communal qui mène une double vie (Grégory Gadebois) et un cowboy musicien aussi foireux que mystérieux (Estéban). Trois hommes qui vont bouleverser son quotidien et la préparer, lentement mais sûrement, au retour d’un quatrième : son grand amour de jeunesse, celui qui a laissé son cœur en miettes et l’a envoyé en prison, le poète (Sergi López). Mélancolique et fantaisiste, La Fiancée du Poète est à l’image du côté rêveur et bohème qu’on apprécie tant chez Yolande Moreau. Avec ce petit harem masculin composé d’acteurs singuliers qui se fondent avec un naturel désarmant dans l’univers plein de tendresse de la réalisatrice, ce film aux allures de conte baroque dresse le portrait d’une famille de cœur haute en couleurs qu’il est difficile de ne pas adorer. Et tandis que les costumes s’enjaillent et se découvrent sous nos yeux attendris, les masques finissent par tomber. L’arche de Mireille se mue en une bande de faussaires, de tricheurs, où chacun tente d’enfouir ses secrets et ses blessures.
Avec son ton poétique qui frôle régulièrement le burlesque et le côté artisanal (quoique réussi) de sa réalisation, La Fiancée du Poète revêt de nombreux attraits des précédents films de la réalisatrice. En effet, elle parvient une nouvelle fois à rendre romanesque des paysages méconnus, des situations ordinaires et des protagonistes bancals avec la douceur et le naturel qu’on lui connaît. On se demande hélas rapidement si les personnages, aussi attachants et intéressants soient-ils, ne surpassent pas l’histoire qui nous est contée, tant le récit dans lequel ils s’engouffrent semble improbable, ronronnant beaucoup pour peu et dont les longueurs se font sentir malgré quelques coups d’éclat. Ode mélancolique à l’art, à la poésie, à l’amour, à l’amitié et au recours au mensonge pour mieux rêver et supporter l’impitoyable existence, le troisième long métrage de Yolande Moreau souffre d’un déséquilibre qui empêche de nous laisser pleinement aller auprès de ses protagonistes et de leurs tribulations. Un sentiment doux-amer nous étreint au sortir de la projection, un goût d’inachevé malgré une bande qu’on a du mal à quitter, qui nous donne surtout envie de revoir les deux premiers opus de sa réalisatrice.
Réalisé par Yolande Moreau. Avec Yolande Moreau, Sergi López, Grégory Gadebois… France, Belgique. 01h43. Genre : Comédie dramatique. Distributeur : Le Pacte. Valois du scénario au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2023. Sortie le 11 Octobre 2023.
Crédits Photo : © Christmas in July.