Camille Griner : Je suis un glouton barjot
Je me souviens avoir quitté 2020 avec beaucoup d’entrain pour 2021, priant les astres (et le gouvernement) pour passer à autre chose en cette nouvelle année. Mon optimisme me perdra. Ballotée durant douze mois entre le statut régulier de « cas contact de cas contact » et mes congénères à la mémoire courte qui retirent allègrement leur masque pour tousser ou éternuer sur le reste du monde, je me suis souvent sentie comme Neo et son art badass de l’esquive des balles d’armes à feu (manteau long compris). Cela m’a porté chance jusqu’à maintenant, même si je n’ai pas encore acquis le pouvoir d’arrêter des gouttelettes COVID-iennes dans leur course. Une année sur le qui-vive donc, où le triste jour sans fin dans lequel nous plongent le destin et nos dirigeants depuis maintenant deux ans m’a naturellement poussé vers le 7ème art. Alliés de cette période compliquée, les films et les séries m’ont permis de me réfugier dans d’autres mondes, pas forcément plus cléments et joyeux que celui dans lequel nous évoluons en ce moment, qui me permettaient au moins de m’évader, de penser à autre chose ou de ne penser à rien le temps d’un instant.
Projectionniste « non essentielle » en pause jusqu’au mois de mai, comprenez qu’il m’a été à un moment donné vital de vivre des aventures grandioses par procuration. C’est peut-être ça qui m’a fait entamer l’année avec la découverte de toute la saga de l’univers Marvel, et donné par la suite envie de revoir tous les Jurassic Park/World, la quadrilogie Alien mais aussi l’intégrale de Star Wars, bien au chaud sous ma couette de confinée. Des monstres, des super-héros et des battles dans l’Espace, histoire de se dire qu’il pourrait nous arriver finalement bien pire que le COVID, et rassasier mes rétines avant tout. Devant l’effervescence des sorties qui ont suivi la réouverture des cinémas, et la remise en marche de toute la machinerie cinématographique et sérielle, je suis devenue un véritable glouton barjot (comme dirait Bob l’Éponge). Un glouton barjot sélectif et organisé ceci dit. Armée de mon GSM pour contrer cette FOMO (Fear Of Missing Out) ambiante, je me suis concoctée au fil des semaines une liste de films et séries à voir absolument en 2021. Et cerise sur le gâteau, c’est sans doute la première année où j’ai vu tout ce que je souhaitais voir, en salles ou au fond de mon canapé.
Pour ce qui est de la fabrication de cette fameuse liste de visionnage, les motivations sont multiples : un(e) comédien(ne) apprécié(e), un(e) metteur(se) en scène affectionné(e), un synopsis intéressant et/ou intriguant, ou encore un article captivant lu sur un projet à sortir. Déjà en phase intense d’ouverture de chakras audiovisuels en 2020, je me suis cette année promis de sortir à nouveau des sentiers battus. Exit les drames qui permettent de relativiser le quotidien et les coming of age qui me rassurent sur ma propre adolescence, j’ai mis ma mélancolie au placard pour me lancer dans des films et des séries bien loin de m’appâter habituellement. C’est ainsi que j’ai été par exemple (très) agréablement surprise par Pig, dont je n’attendais absolument rien, et (très) désappointée devant Oranges Sanguines, dont j’attendais étonnement quelque chose après que d’aucuns lui aient collé l’étiquette de « comédie noire de l’année » (une vaste fumisterie). Ma curiosité me perd parfois, mais elle me comble la majeure partie du temps. De l’étrange Lamb à l’immersif Sound Of Metal, de la déjantée première saison de OVNI(s) à l’intense The Underground Railroad, en passant par la douceur de First Cow, 2021 est une nouvelle année riche en émotions et découvertes sur grand et petit écran. Et j’ai été tellement organisée que j’ai même pris le temps de rattraper les films qui ont fait du bruit, mais qui ne me tentaient pas (coucou Annette, coucou The French Dispatch). Histoire de, parce qu’on n’est jamais à l’abri d’une surprise au détour d’une séquence. Un glouton barjot vous dis-je.
Crédits Photo : L’Antre de la Folie © D. R.