L’Étrange Festival 2023 : La rentrée s’annonce chargée
Événement incontournable des chemins de traverses cinéphiles, la 29ème édition de l’Étrange Festival se tient du 5 au 17 septembre au Forum des Images à Paris. Défricheur de nouveaux talents depuis 1993, son délégué général Frédéric Temps aime à rappeler que cette manifestation OVNIesque se situe à mi-chemin entre le festival traditionnel de cinéma d’art et essai et le festival de purs films de genres. Son programme a la particularité de faire la jonction entre des cinémas réputés incompatibles tout en faisant se côtoyer des publics qui ne se rencontrent jamais habituellement.
Cette année s’annonce captivante avec plus de 80 longs, et autant de courts métrages, ainsi que plusieurs séances événements comme la masterclass de Kirill Serebrennikov (La Femme de Tchaïkovski, Leto, La Fièvre de Petrov, Le Disciple, etc), suivie de la projection de La Montagne Sacrée (nouveau master 4K) co-présentée par son réalisateur Alejandro Jodorowsky.
La section films en compétition donne souvent le ton d’une édition et, depuis quelques années, on remarque un certain tropisme pour les films en provenance de la Corée du Sud avec notamment The Childe de Park Hoon-jung (scénariste de The Unjust et J’ai rencontré le diable). Les États-Unis restent toujours une terre fertile pour le cinéma de genre avec plusieurs nouveaux films de jeunes réalisateurs, dont Sympathy for the Devil de Yuval Adler avec un Nicolas Cage particulièrement exubérant. L’Inde ne sera pas en reste avec la nouvelle œuvre d’Anurag Kashyap (Gangs of Wasseypur), Kennedy. Enfin, mention spéciale au cinéma Hongkongais avec la présence du nouveau Soi Cheang qui revient après son impitoyable Limbo. Le magnifique noir et blanc laisse cette fois-ci place à la couleur pour un Mad Fate très attendu.
La section mondovision pourra compter sur la présence d’habitués comme Adilkhan Yerzhanov (Goliath) et Quarxx (Pandemonium), ainsi que sur la suite des aventures du Bud Spencer coréen, The Roundup: No Way Out avec l’imposant Ma Dong-seok.
Côté avant-premières, notez la séance spéciale composée de deux court-métrages inédits signés Bertrand Mandico, Nous les Barbares et Rainer, a Vicious Dog in a Skull Valley mais aussi le très attendu Vincent doit mourir de Stephan Castang, en présence de l’équipe du film. Rayon avant-premières toujours, difficile de ne pas être irrésistiblement attiré par la présentation qui est faite dans le programme du festival du premier long-métrage des frères Héraud, The End (Fragments Artificiels de l’Espèce Humaine) : « Imaginez Quentin Dupieux et Fabcaro digérés par Švankmajer, et vous aurez une idée de ce cauchemar déstructuré au comique nonsensique illimité ».
Autre grosse attente de cette édition, la première présentation en France de The Begotten Cycle, une trilogie hallucinée et surréaliste de l’américain E. Elias Merhige (L’Ombre du vampire), qui définit le cinéma comme un matériau et le rôle du cinéaste comme celui d’un alchimiste. Ainsi que La Zone d’Intérêt, le nouveau Jonathan Glazer, remarqué à Cannes. Enfin, pour les amateurs de bacchanales décadentes, on pourra redécouvrir le Caligula de Tinto Brass dans un « Ultimate Cut », avec Malcolm McDowell et Helen Mirren fort dénudés.
La grande force de L’Étrange Festival est souvent l’organisation de cartes blanches. Cette année, en plus de celle de Kirill Serebrennikov déjà évoquée précédemment, une carte blanche est proposée à Olympe de Gê, en trois temps (Comment bien filmer le sexe ? / Et la tendresse, bordel ! / Le sexe pour s’aimer) et huit films avec notamment La Chatte à deux têtes de Jacques Nolot, avec une séance en sa présence. Pour les amateurs de films d’action, l’anglais Gareth Evans, à qui l’on doit les fameux The Raid et Gangs of London, a concocté une sélection inattendue en cinq séances où se mêleront pêle-mêle Buster Keaton, Richard Linklater, Sam Raimi et deux Takashi, Nomura et Miike. À ne pas rater également, la soirée avec Christophe Bier et Sylvain Perret, sous forme de double séance, avec l’intriguant Massacre pour une orgie de Jean-Pierre Bastid, suivi du délirant Chut ! de Jean-Pierre Mocky avec Jacques Dufilho et Michael Lonsdale.
L’autre point fort du festival est sa sélection des Pépites de l’Étrange. Au programme, le Putney Swope (1969) de Robert Downey Sr., le papa d’Iron Man, ainsi que le Brain Dead (1990) d’Adam Simon, mais aussi Magadheera (2009) du génial S. S. Rajamouli. Sans oublier le culte Money Movers – L’attaque du fourgon blindé (1978) de Bruce Beresford qui, en plus de The Survival of Kindness de Rolf de Heer, représente fièrement l’Australie (ce qui n’est pas pour nous déplaire).
La partie documentaire n’est pas en reste, avec deux films particulièrement alléchants : Squaring the Circle (The Story of Hipgnosis) d’Anton Corbijn, poignant portrait de Storm Thorgerson et Aubrey “Po” Powell, créateurs de pochettes d’albums rock d’anthologie et A Way to Die : the Films of Peter Christopherson and John Balance de Maxime Lachaud et Reivaks Timeless, autour des films argentiques exhumés des fondateurs de Coil, figure de la musique industrielle et expérimentale anglaise.
Enfin, si certain.es n’étaient pas encore convaincu.es, plusieurs focus démentiels vous seront proposés : un hommage à Bert I. Gordon (aka Mr B.I.G), à base d’hommes colossaux, poupées miniaturisées et autres monstres géants. La Hammer revisitée en version Bollywood par les frères Ramsay, des films d’horreur plus hilarants que vraiment terrifiants. Et enfin, une soirée sous le signe de la Bruceploitation, avec un documentaire consacré aux clones de Bruce Lee par David Gregory, archéologue des marges cinématographiques, et un film qui met en vedette le clone le plus reconnu, Bruce Le.
Comment ne pas être subjugué devant ce menu XXL que L’Étrange Festival nous sert édition après édition ? Une chose est sûre, le festival continue de creuser son sillon et se dirige tout doucement vers une fort belle troisième décennie.
Crédits Photo : © D. R.