CineComedies jours 1 & 2 : chaotiquement endiablé !
Ma panoplie de journaliste de festival a bien pris la poussière. En effet, la dernière fois que je l’ai enfilée, c’était…. pour la précédente édition de CineComedies, il y a un an. Depuis la pandémie, les événements culturels se font timides, slalomant entre restrictions sanitaires et coupes budgétaires. C’est donc un plaisir de pouvoir couvrir un festival qui, contre vents et marées, a pu se maintenir.
Covid oblige, pas de cérémonie d’ouverture. Fini la foule de journalistes et curieux qui se presse au milieu du gratin lillois, une bière à la main, pour écouter les bons mots des élus. Le principal reste : le cinéma.
Néanmoins, pas question de sauter l’étape des discours. Pour les introduire, une vidéo récap d’environ cinq minutes des meilleurs moments des deux éditions précédentes : le flash mob Rabbi Jacob sur la place de la République, les discours d’ouverture de Martine Aubry et Xavier Bertrand, des interviews des invités d’honneur précédents (Pierre Richard et Michel Blanc) et des images des animations. On avoue être un peu perplexes face à cette démonstration. Un peu comme un enfant qui insiste pour montrer son dessin à ses parents, CineComedies nous renvoie à ses deux premières éditions avec moult paillettes. Pour mieux nous faire oublier l’adversité?
D’ailleurs les élus locaux s’appliquent à promouvoir le rire comme remède à cette “guerre” sanitaire que nous traversons, tout en n’oubliant pas de remercier tous les acteurs de l’industrie cinématographique qui, pour filer la métaphore, deviennent les médecins de notre moral à travers leurs films.
Enfin, l’objet de cette soirée d’ouverture entre en scène et l’équipe du film d’ouverture C’est la vie se présente au public. Une partie seulement en réalité car seuls trois acteurs sont présents : Sarah Stern, Tom Leeb et Antoine Gouy.
Le film promettait beaucoup. Déjà par son casting alléchant : dans les rôles principaux (malheureusement tous absents), on a Josiane Balasko, Léa Drucker, Nicolas Maury – découvert dans Dix pour Cent – ou encore Alice Pol. Le pitch annonçait un film centré autour des femmes : cinq mères aux vies très différentes qui accouchent dans une même maternité, alors que c’est le premier jour d’Antoine Moretti, le médecin obstétricien joué par Nicolas Maury, et le dernier de Dominique, la sage-femme en chef interprêtée par Josiane Balasko.
On aurait peut-être dû se méfier face à trop de belles promesses.
Cinq femmes, cinq couples. Quatre couples hétéro, un couple lesbien. On peut noter tout de même la volonté de représenter des personnages très différents, de milieux sociaux variés. Des parcours de grossesses aussi très divers.
Ces cinq femmes verront toutes au cours de cette journée interminable leur consentement respectif remis en cause, bafoué ou tout simplement piétiné, sans que l’on comprenne où le réalisateur veut nous emmener.
// Attention zone spoiler //
Ce fameux couple lesbien joué par Fadily Camara et Mélodie Richard achète les services d’un hippie zicos niais prénommé Gaëtan comme géniteur. Mais au lieu de respecter l’accord conclu lors de la conception “naturelle”, il va décider de s’imposer à la maternité pour prendre la place de père qu’il estime lui être due. Un trio écrit d’un point de vue très hétérocentré : à aucun moment on évoque l’idée que ce couple de femmes ait pu envisager la voie de la PMA.
Pour les autres mamans, le film n’est pas en reste de moments embarrassants, gênants voire carrément limites.
Sophie (Alice Pol) a rencontré un homme sur une application de rencontre. Elle choisit d’accoucher seule, sans prévenir ni son amant – qu’elle a quitté – ni sa famille. C’est sans compter Dominique qui va s’immiscer dans sa vie privée, allant jusqu’à voler son téléphone pour appeler tous ses ex jusqu’à retrouver le géniteur du bébé. Vous avez dit consentement ?
De son côté, Estelle (Sarah Stern) est affublée d’une mère envahissante, adepte de médecine chamanique et incapable de se remettre en question. La pauvre parturiente est tellement écrasée qu’elle en perdra son libre-arbitre sur la façon dont se déroule son accouchement.
Dans un genre complètement différent, Manon (Léa Drucker) est la control freak workaholic de service, directrice ambitieuse d’une compagnie aérospatiale. Mère de trois enfants avec un mari père au foyer, elle doit accoucher d’un quatrième en pleine négociation stratégique entre gouvernement français, syndicats guyanais et émirs qataris. Son principal trait de personnalité est de tout diriger, de prendre des décisions importantes et de gérer des équipes, même dans une situation difficile. Des traits considérés comme typiquement masculins quand son mari, lui, joue la carte de la tendresse, de la douceur et de la prévenance. Il va consoler les autres papas, apaise sa femme, se plie en quatre pour que tout se passe comme prévu. Une volonté de montrer la pression qui pèse sur les femmes cadres supérieurs, une plaidoirie pour l’inversion des rôles parentaux, ou une simple blague sur les femmes qui portent la culotte ? On ne saura jamais.
Pour finir, le personnage de Chloé, anxieuse à l’extrême, persuadée qu’elle va mourir en couches comme sa mère. Enceinte d’un prématuré conçu par FIV (après plusieurs échecs), elle va mettre sa santé en jeu pour attendre son mari avant d’accoucher, quitte à risquer l’hypothermie sur un toit.
// Fin des spoilers //
C’est la vie est un naufrage amer car on sent la bonne volonté du réalisateur, également co-scénariste. Les ratés s’enchaînent et les quelques rires sont embarrassés. Lorsqu’ils frôlent certaines limites déontologiques, les personnages trouvent des justifications bancales et pathétiques. Plusieurs moments tire-larmes à coup de violons achèvent un tableau déjà bien triste.
Écrire et diriger un film choral en laissant assez de place pour développer de manière égale chaque personnage est un art très complexe. Mais surtout, peut-on écrire et filmer des femmes dans un moment aussi intime et délicat que la maternité quand on n’a jamais pu le vivre ? On s’étonne de ne voir aucune femme parmi les scénaristes ou l’équipe de production.
Cependant si parfois le rire échoue parfois, il n’en est que meilleur la fois suivante et emporte toute la déception ressentie précédemment. La deuxième soirée en l’honneur des Blues Brothers nous réconcilie ainsi avec le festival à 1000%. La séance est précédée d’un concert de blues endiablé par le groupe Bless 2 Blues, dans le cinéma de la Gare Saint-Sauveur. Valeur sûre : du rire, des musiques cultes, des cascades défiant la gravité et un scénario abracadabrantesque qui nous transporte dans son univers, le public est conquis.
CineComedies est un jeune festival qui à pour vocation de proposer des comédies à tous les publics. Certaines plaisent, d’autres moins, toutes ne s’adressent pas aux mêmes spectateurs. Ce qu’on pourrait retenir de ces deux jours, c’est qu’un vieux film peut, en effet, transporter les spectateurs loin du quotidien à travers le rire. Ne serait-ce pas parfois dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ?