Paula : Entre ses griffes
Avec Paula, Angela Ottobah livre un premier long métrage âpre et malaisant sur une relation toxique père/fille qui pêche cependant par de nombreuses longueurs.
Paula (Aline Helan-Boudon), 11 ans, s’ennuie à l’école et n’a qu’un seul ami, Achille (Salomon Diallo). Son père (Finnegan Oldfield), en convalescence, lui fait une surprise en l’emmenant passer l’été dans la maison de leurs rêves au bord d’un lac. Mais le temps file, l’automne approche et ils ne rentrent toujours pas. Leur mode de vie devient de plus en plus rude, épousant un idéal éducatif chaque jour plus extrême. Paula entre alors en résistance, sous l’œil aimant mais intensément étouffant de son père. Après plusieurs minutes de film, on sent que quelque chose cloche dans ce duo père/fille d’apparence normale. Le père est constamment sur le dos de Paula, fliquant ses faits et gestes et enchaînant des phrases pseudo rassurantes et des bisous qui pourraient être des signes d’affection si on ne sentait pas la petite fille aussi tendue, mal à l’aise et taiseuse face à son paternel. La mère est aux abonnés absents, préférant se consacrer à sa carrière plutôt qu’à sa vie de famille, et sa présence ne se fait sentir qu’à travers l’écran du téléphone portable. Déjà isolée du reste du monde, Paula embarque aux côtés de son père dans la « maison Kinder », agréable maisonnée un peu cheap qui va lentement se transformer en un piège hermétique à tout l’extérieur, une chambre froide où Paula vit au rythme des crises, des ordres et des lubies de son père.
La petite fille est peu à peu privée de sucre, de lait et de viande, aliments proscrits par son paternel, et de nuits tranquilles, réveillée à toute heure par des branches claquant contre la fenêtre à côté de son lit (je n’en dirai pas plus). Le père ne se contente par ailleurs pas de les isoler géographiquement, mais fait également sauter les cloisons dans la maison afin d’abolir toute pudeur entre les deux protagonistes. Si l’inceste n’est jamais montré frontalement, tout fait comprendre que Paula est prise au piège des griffes d’un père prédateur et toxique qui aime d’une mauvaise façon son enfant. Finnegan Oldfield et son côté juvénile se révèlent terrifiants dans Paula. Un rôle à contre-emploi qui surprend et challenge le capital sympathie du comédien. Aline Helan-Boudon, mutique et observatrice, est également bluffante dans les traits de la petite Paula, qui s’émancipe durement du cocon destructeur dans lequel son paternel l’enferme, notamment par le biais de très jolies séquences aquatiques. L’eau est d’ailleurs le seul endroit de joie et de force pour la petite fille, puisqu’elle tient en apnée plus longtemps que son père, atteint d’une maladie respiratoire.
L’atmosphère visuelle, colorée et pourtant glaciale par la prédominance du bleu et du vert, tend parfois vers l’onirisme, capturant la forêt comme une jungle verdoyante et indomptable, les insectes comme des petits êtres malins dont il faut apprendre les instincts, mais également des personnages secondaires mystérieux, du dreadeux inquiétant et pourtant inoffensif (Océan) aux scouts de passage, qui peuplent les alentours du lac. Si le malaise est palpable sur l’intégralité du film, le récit souffre ceci dit de nombreux ventres mous, dû à un montage parfois trop abrupt et des séquences coupées à l’arrachée dont le sens nous échappe, faisant régulièrement sortir le spectateur de l’intrigue. On est malgré tout curieux quant aux futurs projets d’Angela Ottobah, passée par des études de philosophie et d’ethnologie, dont le sens de l’observation quasi scientifique des rapports humains, si horribles soient-ils, fait déjà mouche dans ce premier long métrage.
Réalisé par Angela Ottobah. Avec Finnegan Oldfield, Aline Helan-Boudon, Océan… France. 01h38. Genre : Drame. Distributeur : Arizona Distribution. Avertissement : Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs. Sortie le 19 Juillet 2023.
Crédits Photo : © Arizona Distribution.