L’Astronaute : Vers l’infini, et on verra
Après Du Soleil dans Mes Yeux (2017), le comédien Nicolas Giraud change radicalement d’univers avec L’Astronaute, son deuxième long métrage en tant que réalisateur. En découle un film déroutant qui, en dépit de son budget modeste, voit très grand mais ne manquera pas de diviser en salle.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu un sentiment aussi étrange au sortir d’une projection. Il faut dire que la deuxième réalisation de Nicolas Giraud a tout d’incongru sur le papier. En effet, L’Astronaute nous conte l’histoire de Jim (Nicolas Giraud), ingénieur en aéronautique chez ArianeGroup, qui se consacre depuis des années à un projet secret : celui de construire sa propre fusée et accomplir le premier vol spatial habité en amateur. Et pour réaliser son rêve, il va devoir apprendre à le partager. Si le synopsis du film fait déjà sourire, la bande-annonce ne laisse rien présager de bon. Je vous conseille donc de passer outre cette dernière si vous avez envie de vous lancer dans les (més)aventures de Jim. Dès le départ, on a du mal à croire que ce personnage principal soit un quarantenaire désabusé et non un petit bambin rêveur clamant haut et fort qu’il veut être astronaute quand il sera grand. On gardera ce sentiment tout au long du film. Mais ce joli rêve d’enfant suinte pourtant de chaque pore du personnage interprété par Giraud, qui n’a juste jamais changé de disque en grandissant. Recalé au dernier tour afin d’accéder au programme de vol de l’Agence Spatiale Européenne, le déçu Jim décide of course qu’il ira dans l’Espace malgré cet échec, bricolant une fusée dans une grange avec du matériel piqué au travail, sous l’œil attendri de sa grand-mère Odette (Hélène Vincent) chez qui il vit. L’innocence, la concentration extrême et l’inflexibilité avec lesquelles il tente de mener à bien LE projet de sa vie fait souvent sourire tant l’entreprise paraît tirée par les cheveux, voire ridicule. Le fait que ce personnage soit campé par Nicolas Giraud laisse également une large place aux qu’en dira-t-on : un acteur pas très célèbre qui réalise un film aux allures de blockbuster dans lequel il se donne le rôle principal, celui d’un ingénieur qui veut conquérir l’Espace par ses propres moyens de surcroît. Chevilles gonflées ou tête dans les étoiles, on met du temps à trancher.
Pourtant, la seconde partie du film rassemble le regard enfantin porté sur la conquête spatiale de Jim à celui du réalisateur, dont on sent aussi la fascination pour l’Espace par le biais de sa mise en scène, bleutée et maîtrisée, qui n’est pas sans rappeler celles de Premier Contact (2016) et Ad Astra (2019) par endroits. L’Astronaute partage d’ailleurs avec le film de James Gray le motif des relations familiales, mais c’est ici la figure absente et pourtant omniprésente du grand-père défunt qui guide Jim dans la concrétisation de son projet. Malgré de nombreuses facilités scénaristiques, L’Astronaute finit pourtant par émouvoir par le biais de ses personnages bancals mais non moins attachants, dont on se surprend à rêver à leurs côtés, impatients de savoir si ce projet fou va se solder par une victoire ou un échec. La bande originale planante de Supernoze est également une jolie surprise, même si elle n’évite pas de donner des pourtours pathos à certaines séquences qui n’en ont pourtant pas besoin. L’Astronaute m’a donc happé malgré ses nombreux défauts puisqu’il parvient, malgré son budget réduit, à faire remonter en nous l’enchantement face à cet inconnu qu’est l’Espace. Avec moins de candeur, le film évoque aussi cette possibilité qu’un jour, en effet, nous nous lancerons tous dans la confection d’un moyen de transport spatial artisanal pour quitter notre planète en décomposition, puisque nous n’aurons pas tous les moyens de nous payer un ticket pour accéder aux navettes spatiales d’Elon Musk. Un rappel toujours utile.
Réalisé par Nicolas Giraud. Avec Nicolas Giraud, Mathieu Kassovitz, Hélène Vincent… France. 01h50. Genre : Comédie dramatique. Distributeur : Orange Studio Distribution / Diaphana Distribution. Sortie le 15 Février 2023.
Crédits Photo : © 2021 Nord-Ouest Films – Orange studio – Artémis Productions – Frères Zak.