PSSFF #1 : Sea, Swell & Sun
En cette semaine de septembre, notre rédactrice Camille Griner a repris ses quartiers pour la quatrième année consécutive au Paris Surf & Skateboard Film Festival. Retour sur ses premières quarante-huit heures de ride audiovisuelle à l’Entrepôt dans le 14ème arrondissement parisien.
Jour 1 : Gerry Le Barbare
Après avoir survécu à la ligne 13 bondée (un pléonasme, je sais), me voilà de retour au PSSFF après y avoir passé quatre jours intensifs et riches en découvertes en 2021. Comme toujours, je suis accueillie chaleureusement par l’équipe qui me dirige vers la salle 1, où sont déjà installés bon nombre de spectateurs impatients de découvrir le dernier projet, hors compétition, de Stacy Peralta (qu’on ne présente plus), The Yin & Yang Of Gerry Lopez, qui fait l’ouverture du festival. Le temps d’humer la pizza à la roquette que mes voisins de droite s’empressent d’avaler et d’aider celui de devant à déplier son strapontin, la salle s’obscurcit et laisse place au silence. Le documentaire retrace la vie du légendaire Gerry Lopez, entrepreneur et surfeur mondialement connu des années 1970 et pionnier dans l’utilisation des shortboards pour mieux dompter les grosses vagues. A coups d’images d’archives et d’interviews, The Yin & Yang Of Gerry Lopez appuie l’ambivalence de celui que l’on surnomme « Mr. Pipeline » (en référence au spot de surf du même nom situé à Hawaï à la vague cylindrique quasi parfaite, également connu pour être l’un des plus dangereux du monde) : yogiste de longue date, son calme olympien dans les tubes contraste avec sa pratique du surf agressive. En effet, il n’hésite pas à « taxer » les vagues des surfeurs déjà lancés sur le swell afin de s’entraîner égoïstement. Les autres n’ont donc qu’à ramer en attendant que Lopez daigne sortir de l’eau, puisqu’il pouvait également cogner si l’un d’eux lui disait quelque chose une fois sur la plage. Une dualité dont a conscience l’intéressé et qui s’en amuse aujourd’hui, à 73 ans, tout en s’excusant quand même de son impolitesse auprès de tous ceux à qui il a allègrement volé la priorité (qui est une règle d’or dans le milieu). À la fois radical et zen, ce surfeur originaire d’Honolulu a également été un acteur occasionnel, et l’on rit en cœur devant des passages de Conan Le Barbare (1982), dans lesquels il interprète le second rôle Subotai. Cette personnalité culte atypique au tempérament bien trempé est aujourd’hui encore une influence majeure dans le surf moderne et nous permet d’entrer dans le grand bain du PSSFF avec beaucoup d’entrain.
Jour 2 : Surf en terres inconnues
La compétition démarre en grandes pompes avec Ride The Wave de Martyn Robertson, portrait émouvant de Ben Larg, écossais à la chevelure dorée de 14 ans, qui veut surfer l’une des vagues les plus dangereuses du monde à Mullaghmore, en Irlande, et ainsi devenir le plus jeune surfeur à y parvenir. Accompagné et soutenu tout au long du documentaire par sa famille, l’adolescent captive par sa détermination et sa sensibilité. Harcelé et tabassé à l’école, le jeune homme a en effet trouvé une porte de sortie et surtout une raison de vivre à travers la pratique du surf. On comprend aisément les appréhensions de ses parents et ses petites sœurs, mais aussi la peur et les doutes de Ben face à son challenge. Avec sa sublime photographie qui nous balade de l’Écosse au Japon avant de se clôturer en Irlande, Ride The Wave est un véritable raz-de-marée d’émotions et de fraîcheur porté par la puissance de la détermination de son personnage principal. La soirée continue avec un second film en compétition, toujours dans la catégorie « surf », avec African Territory de Julian et Joaquin Azulay. Sur près de deux heures, les deux frangins surfeurs originaires d’Argentine relatent leur road trip non sans embûches de l’Espagne jusqu’en Afrique du Sud à bord de leur ambulance militaire de 1985 orange et blanche retapée pour l’occasion. Leur expédition, qui se révèle rapidement anthropologique, revient au gré des kilomètres sur les cicatrices laissées par les colonies, les guerres civiles, l’instabilité politique, l’exploitation des ressources et les inégalités sociales qui gangrènent le continent africain. Axant leur voyage sur les relations humaines qu’ils ont tissé avec les gens croisés sur leur route, la fratrie Azulay livre un projet humaniste, pédagogique et fascinant dont on a hâte de découvrir la suite (et fin ?) puisqu’il est indiqué au générique final qu’il s’agit seulement de la première partie de leur périple.
Crédits Photo : The Yin & Yang Of Gerry Lopez © D. R.