Mes Frères et Moi : A la mort, à la vie
Librement adapté de la pièce de théâtre Pourquoi mes frères et moi on est parti de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, Mes Frères et Moi signe le passage au format long pour Yohan Manca. L’acteur-réalisateur livre un récit fraternel touchant aux airs de dramédie qui va vous donner envie de (ré)écouter du Pavarotti.
Nour (Maël Rouin Berrandou), 14 ans, vit avec ses trois grands frères et sa mère alitée dans un quartier populaire au bord de la mer. Tandis qu’il s’apprête à passer un été ponctué par la maladie de sa mère, les petites magouilles de ses aînés et des travaux d’intérêt général, il croise la route de Sarah (Judith Chemla), une chanteuse lyrique qui anime un cours d’été. Une révélation pour le jeune homme, et une possibilité pour lui d’échapper à un avenir maussade dans la lignée de ses frangins. Cette fratrie, qui a beau se cogner dessus régulièrement mais reste soudée coûte que coûte, fait largement honneur au titre du film. Le contraire aurait été (vraiment) dommage. Yohan Manca parvient en effet à créer quatre personnages attachants et profondément humains qui n’ont en commun que leur sang et l’appartement familial. A commencer par Abel (Dali Benssalah), aussi bourru que vulnérable dans son rôle d’aîné, qui n’a pour lui que des certitudes pourtant bien vite effritées par la réalité. Mo (Sofian Khammes), le second, est sans doute le plus fanfaron et sensible. Quand il ne joue pas l’escort boy pour les touristes blindés, il passe son temps à dédramatiser chaque situation afin de rendre le quotidien de ses frères moins triste. Le troisième frère, Hédi (Moncef Farfar), est l’élément sauvage et ingérable de la bande qui ne parvient pas à dompter ses émotions face à cette sensation de no future et de perdition. Il y a enfin Nour, le benjamin, celui qui observe ses aînés de près comme de loin, celui par lequel le spectateur vit cette dramédie fraternelle où l’on s’aime dans la violence plus que dans la douceur.
Une douceur que l’on retrouve plutôt chez les deux protagonistes féminins du film : la mère, dans le coma depuis des années et la plupart du temps hors-champ, véritable pilier pour ses enfants qui redoutent autant qu’ils souhaitent le dernier souffle libérateur, et Sarah, la professeure de chant qui offre à Nour une tendresse qu’il ne trouve plus auprès des siens. C’est incontestablement l’humanité et la complexité très bien senties des personnages qui offre une dimension captivante et émouvante à Mes Frères et Moi. Les quatre comédiens campant la fratrie y sont pour beaucoup, leur charisme matchant astucieusement avec chacun des personnages qu’ils interprètent avec une grande justesse. Le lieu de l’intrigue, volontairement anonyme pour mieux donner à ce quartier populaire une dimension universelle, est traité visuellement avec des teintes chaudes et pleines de vitalité. Une colorimétrie en contrepoint de la réalité sociale froide des banlieues, qui rappelle parfois le Rome de Fellini dans Les Nuits de Cabiria (1957) qui a beaucoup inspiré le réalisateur. Un choix artistique qui rend l’ensemble énergique et chaleureux, à l’instar de Billy Elliot (2000), parvenant ainsi à éviter le surplus mélodramatique d’un récit qui fonctionne malgré son classicisme. Ombre au tableau, on est forcément peiné par la façon malheureuse dont la réalité a rattrapé la fiction (et la réflexion du film autour de la violence) lorsque le réalisateur a été accusé de violences conjugales par Judith Chemla, sa compagne depuis plusieurs années. Une ironie contrariante qui semble contredire avec fracas l’honnêteté du film.
Réalisé par Yohan Manca. Avec Maël Rouin Berrandou, Judith Chemla, Dali Benssalah, Sofian Khammes… France. 01h48. Genre : Drame. Distributeur : Ad Vitam. Présenté dans la Sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2021. Sortie le 5 Janvier 2022.
Crédits Photo : © Ad Vitam.
One Comment
Lacotte
Je rajouterai la fraîcheur qui se dégage de ce film…. Excellents acteurs et actrices pas de longueur. Un très très bon moment de cinéma