Lamb : Comme c’est bêêêêzarre !
Auréolé du mystérieux Prix de l’Originalité dans la sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2021, Lamb est le premier long métrage de Vladimar Jóhannsson. Le réalisateur islandais joue avec nos sens et livre un film fascinant à la croisée du thriller et du fantastique.
María (Noomi Rapace) et Ingvar (Hilmir Snær Guðnason) vivent reclus avec leur troupeau de moutons dans une ferme au cœur de la montagne islandaise. Lorsqu’ils découvrent un mystérieux nouveau-né dans la bergerie, ils décident de le garder et de l’élever comme leur enfant. Une adoption impromptue qui apporte autant de bonheur que de fils à retordre au couple. La nature, quant à elle, n’a pas dit son dernier mot. Lamb s’ouvre sur un long plan séquence nocturne en plein blizzard sur le versant d’une montagne. La caméra subjective, rythmée par un souffle grave et inquiétant, fait fuir un troupeau de chevaux sauvages avant de ralentir le pas lors de l’apparition d’une légère lueur au loin. Une lueur émanant de la bergerie, peuplée de moutons intrigués par quelque chose hors-champ. A coups de gros plans sur les animaux, et plus particulièrement sur leur regard et leurs mouvements, Vladimar Jóhannsson parvient à personnifier leurs réactions. Qu’il s’agisse des moutons, mais aussi du chien et du chat de la ferme, le réalisateur filme subtilement les émotions animales et s’en sert pour installer lentement mais sûrement l’atmosphère inquiétante de Lamb. Représentée par un souffle grave et lent, la menace est invisible et plane comme une ombre sur le film. Elle se montre aux animaux et se dérobe constamment à la vue des hommes. Le spectateur est rapidement sur le qui-vive et transpire d’autant plus lorsqu’il s’aperçoit que le couple ne sent pas du tout le danger. Sans en dévoiler plus sur l’intrigue, sachez que la tension monte crescendo et qu’elle est très bien menée. On pense malgré nous aux Dents de la Mer par moment, tant il est plaisant de voir à nouveau le hors-champ utilisé avec tant d’habileté.
Avec sa mise en scène froide et bleutée, Lamb nous fait également ressentir le frimas ardent des montagnes tout comme il nous fait respirer l’odeur du foin. Le dépaysement est total et Jóhannsson parvient à capturer avec une poésie folklorique de belles images d’Epinal islandaises (tournées en lumière naturelle) pour mieux isoler ses personnages et dénoter leur petitesse face à l’environnement. Du folklore, il y en a aussi à l’origine du scénario de Lamb, mixage intelligent de contes populaires locaux. A la croisée du thriller et du fantastique, le récit joue avec nos sens et le côté irréel du récit devient à un moment donné aussi réaliste que le reste. On ne sait plus si ce qui se passe émane de la tête du couple ou se déroule véritablement sous nos yeux tant le metteur en scène réussit à créer un univers hors du temps, plausible malgré ses envolées fantastiques. Un tour de force, magnifié par l’absence quasi totale de dialogues, qui laisse le soin aux images, aux sons et aux animaux de nous transporter dans un univers aussi fascinant que malaisant. On se dit en souriant que le comité de sélection du Prix de l’Originalité a inventé ce prix pour la première fois cette année parce qu’il ne savait quelle statuette attribuer à ce film si déroutant et hypnotisant.
Réalisé par Vladimar Jóhannsson. Avec Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason, Björn Hlynur Haraldsson… Islande, Suède, Pologne. 01h46. Genres : Drame, Fantastique. Distributeur : The Jokers. Prix de l’Originalité dans la Sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2021. Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs. Sortie le 29 Décembre 2021.
Crédits Photo : © The Jokers.