Mickey and the Bear : Cours Mickey, cours !
Cet article a initialement été publié le 12 février 2020. Nous vous en proposons une nouvelle lecture dans le cadre de la ressortie du film le 22 juin 2020.
Lassée d’être dirigée devant la caméra, Annabelle Attanasio s’est finalement tournée vers la réalisation. Après le court métrage Frankie Keeps Talking (2016), la comédienne de 26 ans livre son premier long métrage Mickey and the Bear, un drame bouleversant et épuré sur la relation père/fille qui vaut le coup d’œil pour le point de vue qu’il adopte et son duo de comédiens d’une justesse épatante.
Mickey Peck (Camila Morrone) vit dans le fin fond du Montana et a la lourde responsabilité de s’occuper de son père Hank (James Badge Dale), un vétéran accro aux opiacés. Entre les allers-retours au commissariat et les négociations continuelles avec les psychologues pour réapprovisionner son paternel en médicaments, la jeune femme s’occupe à temps plein de lui lorsqu’elle n’est pas en cours ou dans la boutique de taxidermie pour laquelle elle travaille afin de subvenir à leurs besoins. Vous l’aurez compris, Mickey and the Bear n’a de « léger » que son titre, s’apparentant presque à un conte. Maintes fois abordé au cinéma, le thème de la relation père/fille semble aujourd’hui difficile à traiter de façon totalement originale. C’est pourtant le cas ici, puisque, ne l’oublions pas, tout est finalement une affaire de point de vue. Et celui posé par la réalisatrice donne tout son intérêt à ce drame puisqu’elle choisit habilement d’être au plus près de sa jeune héroïne. Une protagoniste décidée, affirmée et pourtant tirée vers le bas par les hommes qu’elle aime et qui lui imposent un avenir et une immobilité auxquels elle ne pense pouvoir échapper. Largement tenue pour acquise par son père, ainsi que son petit ami Aron (Ben Rosenfield), Mickey se sent obligée de gérer les crises et malheurs du premier, et de satisfaire les désirs du second. Entre un copain qui a déjà planifié toute leur existence (mariage, enfants et grosse moto) et un père angoissé par la solitude qui fait d’elle le substitut de sa femme défunte, Mickey, entre colère et lassitude, comprend que rien ne l’oblige à l’immobilisme lorsqu’elle rencontre Wyatt (Calvin Demba), un élève arrivé en cours d’année qui lui ouvre les yeux sur la situation. Un salut rapidement balayé par l’attitude et les remarques culpabilisatrices de son père, rappelant à la jeune femme que son départ signe le déclin total de celui-ci. Si l’amour que son père lui porte est bien là, il est empoisonné par les comprimés et la douleur.
Le spectateur comprend aussi rapidement que les femmes se confondent dans l’esprit de Hank lorsqu’il regarde Mickey et lui dit qu’elle est belle. La caméra, fluide et toujours proche des protagonistes, capte à plusieurs reprises les regards plus qu’insistants qu’il pose sur sa fille, notamment lorsqu’elle porte les vêtements de sa mère – uniques vestiges de celle-ci dans le mobil home. Avant l’irréparable, Mickey décidera-t-elle d’arrêter de vivre pour les autres et de se faire enfin passer au premier plan ? Un film émouvant et juste, et un premier projet long plus que réussi pour Annabelle Attanasio.
Mickey and the Bear. Réalisé par Annabelle Attanasio. Avec Camila Morrone, James Badge Dale, Calvin Demba… Etats-Unis. 01h29. Genre : Drame. Distributeur : Wayna Pitch. Sortie salles: 12 février 2020. Ressortie : 22 juin 2020.
Crédits Photo : © Wayna Pitch.