Heartstone – Un été islandais : Premières fois
Cet article a été initialement publié le 20 Décembre 2017 à l’occasion de la sortie en salles du film. Il est réédité sous sa version originale pour la thématique Été & Cinéma 2021.
Heartstone est LE film des premières fois. Premier long métrage pour le réalisateur, premières expériences pour ses héros et première sélection d’un film islandais à la Mostra de Venise. Avec pas moins de quinze prix dans des festivals internationaux, Heartstone fait mouche en livrant une vision tendre et sincère du passage à l’âge adulte.
Un village isolé de pêcheurs, en Islande. Deux adolescents, Thor (Baldur Einarsson) et Christian (Blaer Hinriksson), vivent un été mouvementé. Tandis que l’un tente de conquérir le cœur d’une fille, l’autre se découvre des sentiments pour son meilleur ami. A la fin de l’été, il est temps de quitter le terrain de jeu et de devenir adulte… Chronique adolescente douce-amère, Heartstone ne semble pas révolutionner le genre du coming of age. Le film suit une bande de jeunes qui s’ennuient dans un village éloigné de la capitale le temps d’un été. Entre la naissance de leurs premiers émois et les jeux enfantins, ces adolescents, éclosent sous les yeux du spectateur dans des paysages nordiques d’une douce brutalité. Un corps changeant qui souhaiterait changer plus vite, des “action ou vérité” en cachette, des grandes sœurs taquines… Heartstone pourrait se contenter de capter le quotidien de ses protagonistes et les majestueux paysages islandais qu’ils traversent. Mais il n’en est rien. L’intention de Gudmundur Arnar Gudmundsson est ailleurs et, sous la fresque adolescente léchée, une bipolarité se dessine rapidement : parfois tendre et doux, le film est aussi anxiogène, acide, et brutal. Derrière les jeux et les tribulations juvéniles, la souffrance familiale, l’humiliation et le harcèlement organisent en réalité tous les rapports entre ces adolescents. Heartstone possède donc une part bien sombre, dont l’obscurité est d’autant plus grande qu’elle se niche dans un cadre hypnotique et solaire.
© Outplay
Le réalisateur évoque également la difficulté de vivre dans un endroit isolé, où tout le monde connaît tout le monde, et où tout se sait. Thor et Christian sont par exemple les cibles de nombreuses moqueries puisqu’ils sont toujours fourrés ensemble, comme un vieux couple d’amants. Le personnage homosexuel de Heartstone n’est pas au centre du film, mais Gudmundsson parvient à dépeindre avec une grande justesse l’expérience, parfois anxiogène, de ce jeune entourés d’hétéros. Ses tribulations internes passent par l’image, épousant les moindres expressions et gestes du personnage, d’un regard lancé à son ami comme d’une caresse discrète qu’il tente de faire passer pour anodine. On regrette peut-être un peu que Blaer Hinriksson, dont la prestation est impressionnante de douceur et de justesse, ne soit pas encore plus sur le devant de la scène. La caméra attrape par ailleurs chaque centimètre de chair passant sous son objectif durant l’intégralité du film, renforçant notre identification à ces jeunes. Véritable choc émotionnel de cette fin d’année, Heartstone caresse dans les deux sens du poil et nous laisse coi devant la vision générationnelle de Gudmundsson, réalisateur islandais prometteur dont nous avons déjà hâte de découvrir le second opus.
Réalisé par Gudmundur Arnar Gudmundsson. Avec Baldur Einarsson, Blaer Hinriksson, Sveinn Olafur Gunnarsson… Islande, Danemark. 2h09. Genre : Drame. Distributeur : Outplay. Sortie le 27 décembre 2017.
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