Paris Shark Week : Les Dents du Club de l’Étoile
Notre rédactrice Camille Griner a plongé au cœur de la quatrième édition du Paris Shark Week (anciennement Paris Shark Fest), qui s’est tenue du 15 au 17 Septembre au Club de l’Étoile. Documentaires, fictions, courts métrages, séance anniversaire et nanars riches en squales au menu !
Jour 1 : « Sea Shark Swim ! »
15h00. Je retrouve mon acolyte de séance Adrien Van Noort, qui était notre envoyé spécial lors de la précédente édition, tous les deux bien décidés à découvrir le nanar qui ouvre les festivités du Paris Shark Week : Doll Shark de Mark Polonia (réalisateur des plus prolifiques à qui l’on doit notamment Cocaine Shark, Sharkula et Noah’s Shark). Confortablement installés dans les fauteuils vieillis mais moelleux du Club de l’Étoile, les lumières s’éteignent après que Fabien Delage, coorganisateur du festival, nous ait promis un visionnage difficile, voire douloureux. Le ton est donné. Avec son micro, micro, micro budget, ses effets spéciaux pas si spéciaux et ses personnages caricaturaux, Doll Shark ne va, à notre grande surprise, pas être l’énorme cauchemar annoncé. Entendez par là qu’il s’agit d’un nanar plutôt délectable, contant les boucheries commises par un requin en peluche à l’apparence inoffensive possédé par l’esprit maléfique d’un squale tueur. Entre Toy Story et Chucky, la séance fut hilarante et nous a laissé longuement en tête le générique chanté et complètement barré de l’émission fictive qui ponctue le film, Sea Shark Swim.
19h30. Me voilà de retour, en solo cette fois-ci, pour assister à la cérémonie d’ouverture. Après la présentation du capitaine Paul Watson, parrain de l’édition 2023, et du jury (le biologiste Pedro Lopez Alegret, le docteur en sciences Nicolas Gilsoul, le réalisateur Pierre-Etienne Larrous et la plongeuse Anne-Sophie Mouraud), le court métrage The Shark With a Thousand Names de Claudia Schmitt entame la soirée avec poésie, capturant de façon contemplative la relation particulière qu’entretiennent des requins baleines avec certains pêcheurs indonésiens. Exemple malheureusement trop rare d’une coexistence pacifiste entre l’Homme et les requins, ce court métrage m’a chamboulée. Il me fallait sans doute une bonne dose de gorge nouée avant que la compétition officielle ne soit lancée avec Great White Shark Babies. Le documentaire suit l’expédition d’un groupe de biologistes tentant de découvrir où les femelles grands requins blancs de Guadalupe, au Mexique, mettent bas. Un poil sensationnaliste, le projet laisse sur le côté alors qu’il nous apprend des choses très intéressantes sur cette espèce marine, aujourd’hui encore bien mystérieuse. La faute au format cuté pour la télévision et à sa narration au suspens superficiel, qui devient rapidement répétitive et lassante. Espérons que les autres films en compétition ne soient pas dans cette même veine « à l’américaine ».
Jour 2 : Discovery very chiant
Me voilà avec un sentiment bien mitigé en cette fin de deuxième journée de festival. Trois documentaires en compétition, estampillés Discovery, m’ont laissé sur ma faim. Le premier, Alien Sharks : Strange New Worlds, s’attèle à mettre en lumière les squales les plus étranges de la pointe de l’Afrique du Sud. On y retrouve notamment le requin plat-nez, menacé d’extinction par un duo local d’orques qui se délecte de son foie en le mutilant mortellement. Si l’on apprend de nombreuses choses, notamment l’existence de cette espèce de requin, mais aussi celles du requin pyjama et de la grande raie-guitare, le projet souffre d’une VF à l’arrachée, de la répétition à maintes reprises de certaines informations et d’envolées gênantes du biologiste Forrest Galante sur ces « requins aliens qui pourraient venir tout droit de l’Espace ». La suite va s’annoncer plus difficile encore avec Jaws VS The Meg, documentaire sensationnaliste au possible qui fonde ses bases sur une interrogation dénuée de véritable suspens : Qui l’emporterait en cas de battle entre un grand requin blanc et un mégalodon ? La réponse me semble évidente, et l’est toujours, malgré de nouvelles théories paléontologiques selon lesquelles le grand blanc pourrait être à l’origine de l’extinction de cet énorme requin préhistorique. A coups de tests impressionnants sur des Carcharodon Carcharias (des grands requins blancs quoi), dont la portée scientifique m’échappe pourtant, le documentaire s’essouffle vite et ne laisse rien à se mettre sous la dent lors de son final en queue de poisson.
Jungle Sharks revient sur l’expédition du biologiste Craig O’Connell et du chef opérateur Andy Casagrande, qui nous emmènent dans les forêts pluviales du Costa Rica pour y étudier le comportement des jeunes requins bouledogues, remontant la Serena River et se retrouvant donc en eau douce, à la portée du crocodile américain… Ce dernier projet en compétition de la journée est sans doute le moins raté du lot avec sa réalisation plus soignée et lente, ainsi que la mise en avant de véritables découvertes scientifiques. La séance anniversaire de Les Dents de la Mer, 2ème Partie (1978), remasterisé en 4K pour ses 45 ans, me redonne un peu de baume au cœur. Tous ces adolescents (déjà) propriétaires de petits bateaux… La vie est belle, quoique sanglante, dans la station balnéaire d’Amity ! Et quel plaisir de revoir le chef Brody sur grand écran dans cette suite du film culte de Spielberg, qui est d’ailleurs la moins mauvaise à mon goût. Ma soirée est définitivement sauvée lors du visionnage du génial Puppet Shark de Brett Kelly. Intégralement réalisée avec des marionnettes cheaps mais réussies, cette comédie hybride entre le Muppet Show et Les Dents de la Mer m’a fait rire à pleines dents, et j’espère que le projet pourra trouver un jour un distributeur afin de pouvoir le revoir, et le montrer. Si la compétition officielle du Paris Shark Week ne tient pour le moment pas ses promesses, il faut avouer que les séances hors compétition se révèlent bien plus enrichissantes et captivantes. La tendance s’inversera-t-elle demain ? Affaire à suivre…
Jour 3 : Un final en apothéose
Troisième et dernier jour au Paris Shark Week. Les yeux gonflés par la fatigue mais pleine d’entrain, me voilà à nouveau en salle, prête à découvrir les deux derniers documentaires en compétition qui ne sont cette fois-ci pas étiquetés « Discovery ». Attacking Life, réalisé par Brett Connellan & Sam Tolhurst, démarre les festivités. Ce documentaire, s’il ne montre pas assez de sélachimorphes pour le public présent lors de la séance, n’en reste pas moins fascinant et l’une des jolies surprises de la programmation. En effet, il retrace le parcours et le rétablissement mental et physique du surfeur Brett Connellan suite à une attaque de requin durant laquelle il a perdu la majeure partie de sa cuisse. Après de nombreuses interventions chirurgicales, il se retrouve avec le muscle grand dorsal implanté à l’endroit de la morsure pour compenser sa perte musculaire totale. Exploration intime de l’esprit et du corps du jeune homme, Attacking Life dresse le portrait bouleversant d’un surfeur bien conscient que la vie lui a donné une seconde chance et déterminé à défendre la vie marine malgré son traumatisme. Ce projet aurait eu à n’en pas douter un plus chouette parcours et accueil au Paris Surf & Skateboard Film Festival, mais je suis ravie d’avoir découvert ce projet malgré son léger décalage, dû au manque d’ailerons et de dents acérées, avec le reste de la sélection.
La compétition se clôt en beauté, et en nostalgie, avec Sharksploitation en première européenne. Réalisé par Stephen Scarlata, ce documentaire efficace et captivant revient sur la naissance de ce sous-genre, né dans le sillage de la superproduction Les Dents de la Mer. Explorant l’héritage cinématographique des requins sur pellicule et la fascination puissante qu’exercent les requins sur le monde, Sharksploitation revient sur l’ensemble des films, cultes ou moins cultes, qui ont ponctué le genre depuis le milieu des années 1970. De nombreux réalisateurs, auteurs et biologistes sont interviewés pour l’occasion, donnant lieu à un projet dont chaque féru de requins a secrètement rêvé depuis longtemps. Un vrai coup de cœur, qui l’aura été pour la majorité des spectateurs, puisqu’il se voit auréolé lors de la cérémonie de clôture du Prix du Jury et de celui du Public. Un doublé mérité, après une compétition en dents de scie, mais une ambiance toujours aussi conviviale et chaleureuse qui me fera replonger à coup sûr pour l’édition 2024 du Paris Shark Week !
Crédits Photo : Les Dents de la Mer, 2ème Partie © D. R.