Chien de la Casse : Alpha & Oméga
Avec son premier long métrage Chien de la Casse, Jean-Baptiste Durand continue l’exploration des thèmes qui lui sont chers : la jeunesse, la ruralité et la vulnérabilité masculine. En découle une chronique douce-amère sur l’amour et l’amitié portée par un duo de comédiens épatants.
Au Pouget, petit village situé dans l’Hérault, région natale du réalisateur, les amis d’enfance Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphaël Quenard) passent la majeure partie de leurs journées à traîner ensemble. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog plus que de raison. Leur amitié va pourtant être mise à mal lorsque Dog s’éprend de la bretonne Elsa (Galatea Bellugi), instaurant une distance entre les deux jeunes hommes. Rongé par la jalousie, l’extraverti et érudit Mirales n’a de cesse de tacler son pote en public à coup de citations littéraires, pour étaler la culture que Dog n’a pas, ou de punchlines grinçantes pour asseoir sa domination. Dog, plus introverti et taiseux, peine à donner son avis et encaisse les coups psychologiques, et parfois physiques, sans moufter. L’amour vache qui unit ces deux personnages antipodiques donne lieu à des séquences aussi émouvantes qu’agaçantes, dans lesquelles Raphaël Quenard confirme toute l’étendue de son talent. Sa gouaille et ses yeux bleus perçants nous tiennent d’un bout à l’autre du film, et l’on est heureux que Jean-Baptiste Durand lui offre son premier grand rôle au cinéma, qu’il incarne avec une brutalité et un naturel désarmants.
Après visionnage, on est tenté de comparer ces deux personnages, en quête perpétuelle de leur place et de leur masculinité au sein de leur bande, à certains membres clefs d’une meute de loups. Si Mirales semble au départ tenir la position d’alpha au sein de son groupe de potes, le vernis s’écaille progressivement pour révéler une âme cabossée et mal dans sa peau. Un leader bancal et plein de fêlures qui préfère tenter de transformer autrui et son environnement plutôt que lui-même, par peur de devenir adulte. Quant à Dog, bouc émissaire tout choisi de Mirales, il s’apparente finalement, comme l’explique aussi le réalisateur dans le dossier de presse, au loup oméga : celui qui brise ou contient les hostilités, mais surtout celui qui est assez solide pour supporter les piques et la frustration de son meilleur pote par amour depuis des années. C’est cette complexité dans son duo et leur relation douce-amère qui émeut le plus dans Chien de la Casse. L’amitié, l’amour et la fidélité suintent à chaque plan malgré les coups bas, appuyés par une caméra portée au plus près des personnages pour en capter la moindre mimique et une mise en scène naturaliste et épurée réjouissante pour un premier long métrage, loin de toute surenchère scénique. Avec ses séquences dignes d’un western au beau milieu des plaines sauvages de l’Hérault, Jean-Baptiste Durand livre une chronique saisissante qui fleure bon le vécu sur l’amitié et la jeunesse rurale prise au piège face à l’abandon progressif des zones campagnardes.
Réalisé par Jean-Baptiste Durand. Avec Anthony Bajon, Raphaël Quenard, Galatea Bellugi… France. 01h33. Genre : Comédie dramatique. Distributeur : Bac Films. Sortie le 19 Avril 2023.
Crédits Photo : © Camille Sonally.