Pulse : Neon Demon ?
Premier long métrage de la réalisatrice finlandaise Aino Suni, Pulse relate la relation toxique entre deux adolescent.e.s. Malgré de belles envolées visuelles, le film pèche par sa narration tantôt grossière, tantôt incongrue, qui empêche toute empathie envers ses protagonistes.
Elina (Elsi Sloan), rappeur.se en herbe de 17 ans, est contraint.e de quitter sa Finlande natale pour s’installer dans le Sud de la France chez le nouveau compagnon de sa mère (Camille). Iel rencontre sa nouvelle sœur par alliance, Sofia (Carmen Kassovitz), ballerine charismatique de 18 ans qui mène une double vie faite de soirées, de garçons et de drogues. Mais l’amitié apparente qui naît entre les deux personnages se transforme rapidement en un jeu de pouvoir toxique aux conséquences dramatiques. Largement inspiré par son propre documentaire Never Again (2018) sur la rappeuse finlandaise Mercedes Bentso, Aino Suni livre un projet hybride entre le thriller psychologique et le coming of age. Son personnage non binaire à la chevelure verte pomme évoluant dans le milieu du rap, il est donc cohérent que l’esthétique des clips de ce style musical déteignent sur le film, notamment les nombreuses scènes nocturnes, les éclairages aux néons à dominance bleu, rouge et vert et les jeux d’ombres sur le visage de ses protagonistes pour les rendre plus imposants et inquiétants.
La réalisatrice étend par ailleurs la temporalité de son film par le biais de quelques plans séquences immersifs tournés en grand angle, captant les tribulations d’Elina et Sofia d’un peu plus loin qu’à l’accoutumée. Pour le reste des plans, elle ne lâche jamais d’une semelle ses deux personnages. Les tons chauds et l’esthétique hyper colorée de Pulse offrent d’autre part un contrepoint efficace à son propos sombre et perturbant. Elina, dont les yeux semblent maudire ou transpercer régulièrement les gens qui l’entourent, se mue assez vite en un être obsessionnel et dangereux, n’hésitant pas à manipuler et faire du chantage pour arriver à ses fins. Cet amour possessif et aliénant dont iel est envahi s’empreint tour à tour de monstruosité, de violence, mais aussi de romantisme lorsqu’iel écrit un morceau sous forme d’ode à sa belle, dans lequel le beat très doux contraste habilement avec les paroles puissantes et brutales d’Elina, aka « Alien » sur scène.
Si ce personnage aussi flippant qu’énigmatique captive au départ, la relation qu’iel tisse avec sa demi-sœur devient rapidement problématique. Problématique entre les deux personnages, on s’entend, mais surtout douteuse dans son traitement narratif. En effet, il est étonnant de voir que malgré le comportement malsain et violent d’Elina, Sofia ne réagit jamais ou si elle agit, le fait de façon totalement incohérente. La nocivité appuyée d’Elina semble alors être un prétexte à la réalisation d’un thriller hautement esthétisé, où le cœur du film devient progressivement ce.tte jeune psychopathe en devenir que la réalisatrice prend plaisir à magnifier visuellement, au détriment de sa psychologie. En effet, l’ambivalence d’Elina, entre stéréotype et sadisme, peine à convaincre, en particulier dans la seconde partie du film. Quant au final, Aino Suni choisit malheureusement une conclusion pathos et rassemble très maladroitement ses deux personnages dans une séquence de concert invraisemblable. Un nouveau projet somme toute ambitieux qui démontre pourtant, si cela était encore à prouver, qu’une belle imagerie ne suffit jamais à occulter les failles d’un récit.
Réalisé par Aino Suni. Avec Elsi Sloan, Carmen Kassovitz, Lucille Guillaume, Camille… France, Allemagne, Finlande. 01h43. Genres : Thriller, Drame. Distributeur : Wayna Pitch. Sortie le 22 Février 2023.
Crédits Photo : © Kerttu Hakkarainen.