The Northman : Force & honneur
Troisième long métrage de Robert Eggers, The Northman débarque cette semaine dans les salles obscures. Cette fresque épique peuplée de vikings au casting cinq étoiles, et son budget de 90 millions de dollars, est-elle à la hauteur de ses attentes ? Verdict ci-dessous.
IXème siècle. Le jeune prince Amleth (Oscar Novak) assiste impuissant à l’assassinat de son père (Ethan Hawke) par son oncle Fjölnir (Claes Bang), qui s’empare ensuite de la mère du garçon (Nicole Kidman). Le garçon fuit alors son royaume insulaire en barque, jurant de se venger. Deux décennies plus tard, Amleth (Alexandre Skarsgärd) est devenu un guerrier viking à la fureur bestiale, pillant des villages slaves avec ses comparses berserkir, jusqu’à ce qu’une devineresse (Björk) lui rappelle qu’il a fait vœu de venger son père, de secourir sa mère et de tuer son oncle. Notre héros aux gros biscottos et à la tignasse dorée (quoique souvent boueuse et ensanglantée) s’embarque alors pour l’Islande aux côtés d’Olga (Anya Taylor-Joy), une jeune Slave captive, où il rejoint la ferme de Fjölnir sous les traits d’un esclave pour perpétrer sa vengeance. Robert Eggers, dont nous connaissons désormais l’attrait pour le cinéma fantastique et la mise en scène de nos peurs et mythes les plus répandus (sorcière, démon, solitude, contrées abandonnées…), s’en donne à cœur joie dans l’adaptation de ce récit fondateur qui a également inspiré le Hamlet de Shakespeare. Son goût prononcé pour les rituels, le folklore et une mise en scène millimétrée au pixel près prend également tout son sens ici. Bien moins naturaliste que The Witch (2016), The Northman est de loin le projet le plus ambitieux du réalisateur américain qui, s’il semble « surcoté » pour certains, a le mérite d’être un metteur en scène visionnaire à la direction artistique aussi percutante que singulière. En atteste la séquence d’attaque d’un village, tournée en plans-séquences, dont la maîtrise et la chorégraphie nous décrochent facilement la mâchoire (métaphoriquement hein).
En jouant des contrastes vertigineux entre ses personnages sanguinaires et la nature grandiose témoin de leur violence, Eggers joue avec les codes du récit épique et met habillement au centre de sa caméra l’aura imposante et animale d’Alexander Skarsgärd, investi comme jamais dans son rôle de vengeur barbare qui doit trancher entre « l’amour des siens et la haine de [ses] ennemis ». Amleth se confronte à son libre arbitre, prêt à tout pour honorer sa promesse mais en proie aux dogmes moraux qui auraient pu lui rendre la vie meilleure. L’héritage familial est au centre de l’intrigue et son poids vaut son lot de chair, de sueur et de sang. Et si notre gorge à soif d’eau fraîche après tant d’hémoglobine engloutie au sortir de la projection, The Northman est une démonstration audiovisuelle magistrale qu’il serait dommage de ne pas vivre sur grand écran. Une puissance visuelle et auditive décuplée par les performances de l’ensemble des comédiens, au diapason de cette fresque héroïque et onirique qui, si elle ne révolutionne pas scénaristiquement le genre du film mythologique et des récits fondateurs, donne malgré tout naissance à un projet hors du commun sur la quête de vengeance.
Réalisé par Robert Eggers. Avec Alexander Skarsgärd, Nicole Kidman, Anya Taylor-Joy, Claes Bang… États-Unis. 02h17. Genres : Action, Historique. Distributeur : Universal Pictures International France. Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement. Sortie le 11 Mai 2022.
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