Trouville Express #5 : Xanax, bingo et cookie
Déjà mercredi ! Lentement mais sûrement, le festival Off-Courts de Trouville rentre dans sa dernière ligne droite. Il y a comme une odeur de mélancolie qui commence à planer sur l’océan… Ou est-ce seulement celle de la vase ? Je l’ignore, je suis parisien. Quoi qu’il en soit, il s’est mis à pleuvoir et les tee-shirts et pull légers ont fait place aux parapluies.
L’occasion de se plonger une nouvelle fois dans le confort du Cinémobile, pour le programme de compétition « Québec 1 ». Mauvaise idée : bien que tous les films aient de nombreuses qualités, les thématiques abordées se conjuguent mal à un ciel morose. Au menu dépression, il y avait du choix ce matin : une femme ménopausée à 30 ans qui essaye de briser la glace d’un lac pour se noyer, une fillette si persuadée d’avoir des ailes qu’elle décide de s’entraîner en sautant d’une falaise, une femme métisse rejetée et martyrisée par sa propre communauté, sans oublier le petit garçon qui meurt englouti dans les sables mouvants d’une mine abandonnée. Une belle joie de vivre qui s’exprime à travers les oeuvres des cinéastes québécois : je savais bien que leur accent cachait quelque chose de louche. En sortant de la salle, mon seul désir est d’avaler une grande boîte de Xanax.
C’est donc avec une prudence extrême que je m’aventure de nouveau au cinéma pour le programme « Québec 2 ». Ouf, mes pires craintes ne se confirment pas. Parmi une programmation singulière et très intéressante, Nous sommes le Freak Show, de Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien, se distingue.
Le film, d’un noir et blanc nacré, est une chronique d’une soirée de bingo, où l’on croise la joyeuse bande d’un bar. La serveuse chante, sa fille anime le jeu et tire les numéros. Cette dernière brise à plusieurs reprises le quatrième mur pour s’adresser au spectateur, et nous dire à quel point dans ce bar, tout le monde est joyeux et s’amuse tous les soirs, malgré le chômage et la précarité. Mais les personnages semblent un peu trop souligner leur bonheur et même la victoire au bingo n’arrive pas à masquer les blessures. Le titre du court métrage prend alors tout son sens : de peur de sombrer, continuons à faire le show avec nos sourires de plastique et notre apparente nonchalance, car demain est un autre jour et il n’apporte rien de bon.
Certes, je ressors de la salle avec un taux d’envie suicidaire moins élevé que pour le premier programme, mais j’ai quand même besoin d’un chocolat chaud et d’un cookie fait maison pour aller mieux.
En début de soirée, direction le Salon des Gouverneurs pour le Prix du Polar SNCF, où sont projetés sept courts métrages entrant dans cette thématique. Retouch, film iranien de Kaveh Mazaheri, m’a beaucoup plu : traitant par un angle novateur de la question de la culpabilité et de l’étouffement – littéral et figuré -, le court métrage aborde également la condition de la femme dans un pays qui lui refuse encore le contrôle de sa propre image.
Après la projection, comme d’habitude, une seule adresse : the one and only Guinguette, où tout le monde s’est réuni pour bien évidemment boire une tisane verveine-tilleul en écoutant un livre audio de Marc Lévy. J’y fait la rencontre d’Annie-Claude Diquélou, l’une des figures de la direction du festival, et Lulu, sélectionneuse pour la compétition, qui m’avouent toutes deux leur amour inconditionnel pour mes écrits. Je leur réponds avec la dignité professionnelle qui me caractérise : « Je ne fais que mon devoir, mesdames ». Prenant néanmoins conscience de l’immense popularité de mes chroniques dans toute la contrée normande, je me promets de continuer mon combat inlassable pour la vérité et l’information.
Stay tuned !
Photo en Une : © Alexandre Lança