SOLO : La battle intergalactique
Comme à chaque sortie d’un rejeton Star Wars, l’enthousiasme est mêlé de crainte. Le film va-t-il être à la hauteur de l’univers créé par Lucas ? Ou un mauvais produit marketing estampillé Disney ? Les fans tremblent. Solo a généré des discussions animées parmi notre équipe. Et parce qu’un mois après sa sortie, nous n’avions toujours pas réussi à nous mettre d’accord, on vous propose deux avis contrastés du spin-off dédié à la jeunesse de notre contrebandier préféré.
On dit “OUI”
Avec une production chaotique, le nouveau spin-off de la saga consacré à ce bon Han Solo sentait le désastre. Mais Solo est finalement une bonne surprise. S’il confirme une stratégie de la part de Disney, semblable à celle appliquée aux Avengers, pour rendre toujours plus lucrative la célèbre franchise intergalactique, il y gagne cependant une forme de légèreté, bien loin de la noirceur artificielle et étouffante des trois précédents films. Solo est avant tout un pop corn movie fun – renouant avec l’esprit originel des trois premiers épisodes de la saga – marqué par un côté vintage, qui le rapprocherait de Ready Player One. Comme si la génération de Ron Howard et Steven Spielberg avait décidé de revenir s’amuser en procédant à une réorganisation d’auto-références et d’entremêlement des genres. Un divertissement où le récit devient finalement jeu et clins d’œil pop. Solo n’échappe évidemment pas au fan service en tentant de répondre à des questions que l’on ne se posait pas vraiment sur la formation d’Han Solo. Mais une fois les principales réponses données, le scénario, plutôt habile, transforme le film en jeu de dupes entre les personnages et déploie quelques bonnes idées comiques correctement exploitées comme la relation entre Lando et L3, le robot militant, plus humain que jamais. Le casting est par ailleurs un des points forts du film – citons principalement Woody Harrelson et Donald Glover, tandis que Alden Ehrenreich parvient à exister en évitant l’imitation forcée d’Harrison Ford. Enfin, Solo contient une excellente scène d’attaque d’un convoi ferroviaire au cœur des montagnes qui constitue une véritable réussite de mise en scène, et rien que pour ça le film vaut le coup.
Mathieu Champalaune
On a quelques doutes…
Le pari était risqué. Raconter la jeunesse du plus célèbre contrebandier de l’espace, indissociable dans les esprits de chacun du charismatique Harrison Ford, l’est même doublement. Car au-delà de l’héritage empoisonné qui incombe à son successeur, Alden Ehrenreich, les premiers faits d’armes d’Han Solo semblent bien étrangers à la mythologie sur laquelle s’est construite la saga. Supprimer à la fois les Jedis et les combats contre l’Empire, c’est délester l’intrigue de ce qu’elle a de plus épique et remarquable. On aurait par conséquent attendu une proposition innovante, un univers autonome capable de contrebalancer cette absence. Et c’est précisément là que le film de Ron Howard fait fausse route. Non seulement, il n’apporte aucun élément véritablement nouveau mais il s’enlise, à l’inverse, dans une série de clins d’œil aux précédents opus pour mieux dissimuler la pauvreté du scénario. Du droïde pour la note d’humour, au couple d’aventuriers, jusqu’au méchant psychopathe, chaque ingrédient participe à une recette tant de fois goûtée qu’elle en a perdu sa saveur. Les tentatives pour construire une esthétique un rien novatrice, comme la planète Corellia, sont rapidement balayées par la fadeur des personnages et l’absence de scènes véritablement marquantes. Quant au droïde féminin se battant pour la libération des siens, il s’apparente essentiellement à une tentative grossière d’exploiter la « mode » du féminisme. Surfant sur le fan service, Solo s’en tient, finalement, à une logique purement mercantile qui confirme le devenir de Star Wars en marque déposée dont les dernières réalisations ne sont rien de plus que des produits dérivés. Et nous prouve que se contenter de décliner les mêmes codes familiers ne suffit pas à faire un film.
Léa Casagrande
Réalisé par Ron Howard. Écrit par Lawrence Kasdan et Jon Kasdan. Avec Alden Ehrenreich, Emilia Clarke
Donald Glover et Woody Harrelson. Science fiction, Fantastique. États-Unis. 2018. 2h15. Distribution : The Walt Disney Company France. Sortie : 23 mai 2018.